Récoltes catastrophiques, épizooties incessantes, réchauffement climatique, système assuranciel « à bout de souffle », mais surtout et pour tous des retards fatigants de mise en œuvre des mesures annoncées. C’est sur un constat partagé de l’état malheureux de l’agriculture française que l’Assemblée nationale a entamé le long débat (quatre heures et demie) : « Un an après la crise agricole, quel bilan pour nos agriculteurs ? », le mercredi 15 janvier 2025.

Tour à tour, les députés se sont renvoyé la balle de la responsabilité du délai de réponse à la crise agricole : la dissolution, historique, a empêché de continuer l’examen du projet de loi d’orientation agricole (PLOA) au Sénat, et la censure renversant le gouvernement a décalé l’arrivée de mesures budgétaires pour les agriculteurs. Différentes mesures à l’étude sont, elles aussi, bousculées par le calendrier surchargé du Parlement : la proposition de loi sur les entraves normatives, celles sur les chambres d’agriculture et l’épandage par drone, les travaux parlementaires sur Egalim…

« Des ministres, sans une Assemblée fonctionnelle, ne peuvent pas tout faire. À l’inverse, sans un gouvernement de plein exercice, l’Assemblée nationale ne peut rien faire. Nous députés, nous devons faire partie des solutions, faisons le choix de la stabilité et du compromis », a interpellé ses collègues le député Pascal Lecamp (MoDem, Vienne).

Si les dissensions restent nombreuses dans cette Assemblée fragmentée, tous ont pointé du doigt le Mercosur, « partie émergé de l’iceberg » des accords de libre-échange, symbole du « néolibéralisme », « féroce prédateur des agriculteurs », pour le groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) et dont le Rassemblement national (RN) demande « un moratoire ».

La ministre de l’Agriculture, interpellée de nombreuses fois à ce sujet, a rappelé son opposition au Mercosur et à des accords « déséquilibrés ». Plus nuancé, le groupe Ensemble pour la République s’est dit, par la voix de Stéphane Travert (Ensemble pour la République, Manche), ne pas être en opposition totale avec les accords s’ils « respectent nos modes de production », via des clauses miroirs.

Future loi Egalim au printemps

Le revenu, constamment mentionné, doit être revu via une refonte d’Egalim, plaident systématiquement les députés. L’élu Julien Dive (Les Républicains, Aisne) portera « une initiative parlementaire au printemps prochain » tandis que la ministre prône pour une « future loi Egalim […] avant le mois d’avril », date de fin de l’expérimentation du SRP + 10, une majoration du seuil de revente à perte à hauteur de 10 % pour les distributeurs.

Le socialiste Dominique Potier (Parti socialiste, Meurthe-et-Moselle) a proposé que « l’observatoire des prix intègre le secteur amont, […] en situation de monopole dans les secteurs de pharmacie et de machinisme ».

Tandis que le RN et les partis de gauche appellent à respecter la promesse présidentielle des prix garantis (dont une proposition de loi écologiste a été votée par l’Assemblée au printemps et devrait arriver au Sénat), la ministre s’est dit « contre » cette proposition.

L’un des points de distorsion porte sur la réglementation environnementale, dont certains à droite de l’Hémicycle déplorent, comme Hélène Laporte (RN, Lot-et-Garonne) la « surtransposition » et l’impasse technique de filières comme la noisette tandis que d’autres enjoignent, à l’instar de Dominique Potier, à « ne pas casser les règles qui garantissent la sécurité de nos écosystèmes ». « Le respect de nos écosystèmes, c’est la garantie de produire demain », a soutenu le socialiste.

Investir dans la recherche apparaît comme l’un des seuls points d’accords sur la question environnementale. À gauche comme à droite, les parlementaires pressent, comme Stéphane Travert, à « impliquer la recherche pour les filières qui n’ont plus d’alternatives crédibles ». Une position soutenue par Annie Genevard qui rappelle : « Avant les interdictions, nous devons miser sur les solutions ».

La ministre de l’Agriculture a mis les parlementaires face à leurs responsabilités alors qu’un nouveau budget sera examiné les prochaines semaines, portant de nombreuses mesures agricoles. « Le demi-milliard des allègements fiscaux, il attendra le budget, c’est dramatique ! Je ne peux faire aucun appel à projet, je ne peux engager aucun crédit ! », a déploré la ministre, contrainte par un budget a minima, en attendant la discussion du nouveau budget de l’État.