Mesures de trésorerie, exonérations fiscales, simplification administrative, loi d'orientation (PLOA), Egalim… De nombreux textes pour répondre à la crise agricole sont en préparation au Parlement. Mais les motions de censure déposées à l’Assemblée nationale le lundi 2 décembre 2024 pourraient renverser le gouvernement. Cette situation inédite devrait encore retarder l’adoption de ces textes agricoles en préparation.
Nommer un nouveau gouvernement ?
Si le gouvernement est renversé, le président de la République aura la charge d’en nommer un nouveau. Faute de majorité claire à l’Assemblée (la dissolution étant exclue car impossible plus d’une fois par an), cette nomination pourrait prendre du temps car elle doit recevoir la confiance des députés. En attendant, le gouvernement démissionnaire ne peut pas prendre de décisions politiques (pas de publication de circulaires ou de règlement) se chargeant de gérer « les affaires courantes ».
Si un gouvernement d’une autre couleur politique que celui actuel est mis en place, les textes en discussion au Parlement pourraient faire l’objet de modifications : nouveau calendrier d'examen, abandon de certains textes, ajout de nouveaux textes qui pourraient être en contradiction avec les précédents...
Troisième hypothèse, un gouvernement « technique », sans couleur politique distincte pourrait, mener des mesures consensuelles, mais sans ambition politique.
Plusieurs textes agricoles actuellement débattus au Parlement sont donc en sursis.
Budget de la sécurité sociale : emploi et retraites agricoles
C’est le texte qui a fait basculer les institutions au bord de la crise politique. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, sur lequel Michel Barnier a engagé la responsabilité de son gouvernement, en vertu de l’article 49.3 de la Constitution, propose des mesures sociales pour les agriculteurs. Les retraites agricoles devraient être calculées sur la base des 25 meilleures années à partir du premier janvier 2026 et le TO-DE, exonération fiscale patronale pour l’emploi de saisonniers agricoles pourrait être prolongé et étendu aux salariés des Cuma.
Loi de finances : mesures de trésorerie et exonérations fiscales
Le projet de loi de finances (PLF), en cours d’examen au Sénat propose, lui, de nombreuses mesures pour améliorer la trésorerie des exploitations via des hausses d’exonération comme la prolongation du crédit d’impôt en faveur du remplacement, un allègement fiscal en cas de transmission sur la valeur du foncier ou la réintégration facultative de la provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches en cas d’un abattage du cheptel.
Une taxe sur les bovins vivants et la viande bovine importée avait également été adoptée. Toutes ces mesures sont actuellement en discussion au Sénat, tandis que d’autres avaient été votées par les députés.
En cas de renversement du gouvernement, ces deux textes pourraient être remaniés par un nouveau gouvernement d’une autre couleur politique. Sinon, ils seront reconduits par le gouvernement démissionnaire sans modifications. Cas extrême, le président de la République pourrait prendre les pleins pouvoirs en vertu de l’article 16 de la Constitution, et émettre les deux budgets pour 2025.
Le PLOA : simplification et transmission
Près de deux ans après son lancement, le projet de loi d’orientation et d’avenir agricole (PLOA) devrait finalement arriver en commission économique au Sénat le 9 décembre.
Le texte prévoit en particulier d’adapter l’échelle des peines sur les atteintes à l’environnement, de simplifier la réglementation sur les haies, d’accélérer les décisions juridiques sur des contentieux agricoles (ouvrage hydraulique et élevages) et de mettre en place un guichet unique à l’installation.
Egalim : calendrier des négociations et abus des centrales d’achat
Plusieurs travaux parlementaires étaient sur un bilan de la loi Egalim, qui pourraient déboucher sur un ajustement de la loi actuelle. L’aval étant pointé du doigt dans les mobilisations, un rapport parlementaire sur l’amélioration des relations commerciales avait été remis au gouvernement à la mi-octobre.
Il proposait notamment le conditionnement de l’accès aux aides à l’adhésion à une organisation de producteurs, la suppression de la révision automatique des prix, la révision du calendrier des négociations avec une meilleure formalisation de la marche en avant (négociations amont avant aval), et la lutte contre les abus des centrales d’achat.
Une mission d’évaluation d’Egalim 2 est aussi en cours à l’Assemblée nationale par quatre députés qui devraient rendre leurs conclusions au premier semestre 2025.
Loi sur les « entraves normatives »
À la mi-décembre, une proposition de loi sur les « entraves normatives » devrait être examinée par le Sénat avec au programme, un assouplissement des règles sur les produits phytosanitaires, la requalification des contrôles, et la révision de la gestion de l’eau.
Deux autres propositions de loi sont en préparation. Une concerne l’agrivoltaïsme en proposant un bail rural à clause agrivoltaïsme tandis qu’une autre a été examinée à l’Assemblée nationale en vue de l’autorisation d’épandage de pesticides par drones.
La potentielle instabilité politique des prochains jours pourrait donc retarder l’adoption de ces textes. Le vote des motions de censure se déroulera mercredi 4 décembre à 16 heures à l’Assemblée nationale. Si elles sont votées, le gouvernement Barnier serait le plus court de la Ve République.