Alors que les arrachages de betterave se poursuivent dans de bonnes conditions météo, la production nationale de betterave s’annonce plutôt satisfaisante. Au 1er octobre 2025, le service statistique du ministère de l’Agriculture estimait le rendement moyen de la betterave sucrière à 86,3 t/ha, en hausse de 5 % par rapport à 2024, et de 10 % par rapport à la moyenne 2020-2024.

Mais localement, la jaunisse est bien présente. « En 2024, on est passé entre les mailles du filet mais en 2025, on constate de la jaunisse un peu partout », indique Fabien Hamot, secrétaire générale de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB). Le syndicat a organisé une journée pour la presse autour de cette thématique le 4 novembre 2025, à la veille du débat en commission à l’Assemblée nationale sur la pétition contre la loi Duplomb, qui n’a pas permis de réautoriser l’acétamipride par dérogation, et quelques jours après la publication d’un rapport de l’Inrae sur les alternatives aux néonicotinoïdes. Sur cette base, la CGB a demandé au gouvernement de déposer un nouveau projet de loi pour avoir accès aux mêmes substances actives qu’ailleurs en Europe.

Une betterave touchée par la jaunisse est plus chétive, et moins riche en sucre. « La conjuguaison des deux donne une perte de rendement de 30 % a minima », explique Fabien Hamot. (© Hélène Parisot / GFA)

Des différences de rendement importantes peuvent être constatées. « Les betteraves font 86 t/ha chez mon voisin, pour qui je m’occupe de la culture. Chez moi, à 3 km de distance et avec le même itinéraire technique, elles font 57 t/ha, chiffre Cyrille Milard, agriculteur à Maison-Rouge (Seine-et-Marne) et président de la CGB Ile de France. S’il estime que la jaunisse n’explique peut-être pas tout, la maladie est bien présente chez lui.

« Dans le sud de la Seine-et-Marne, des agriculteurs font 50 t/ha », poursuit Cyrille Milard. Après le mauvais souvenir de 2020, les résultats de 2025 et des perspectives incertaines vis-à-vis de la protection contre les pucerons, certains se questionnent sur l’avenir de la culture. « Autour de moi, six agriculteurs vont arrêter la betterave en 2026, indique-t-il. Cela représente 80 ha, environ 15-20 % de la sole du bassin de la sucrerie de Nangis ». Ces décisions sont aussi motivées par les évolutions des contrats de la sucrerie, désormais gérée par Cristal Union.

« 67 t/ha sur une parcelle, 82 t/ha sur une autre »

Cyrille Milard, lui, va réduire sa sole. Au-delà de l’aspect financier, et des 3 000 €/ha engagés au semis, « il y a aussi l’aspect moral, de faire une culture et de ne pas réussir à la maîtriser », déclare-t-il.

Ces écarts peuvent s’observer sur une même exploitation. « Avec une même gestion, j’ai un rendement de 67 t/ha sur une parcelle, et 82 t/ha sur une autre », chiffre également Jean-Philippe Garnot, betteravier à Courpalay (Seine-et-Marne). Il estime que 4 à 6 % de ses betteraves sont touchées par la jaunisse cette année. Les « quelques tonnes manquantes, c’est un gros pourcentage de mon revenu », appuie-t-il. Un impact d’autant plus important, selon lui, que les autres grandes cultures ne sont actuellement pas rémunératrices. Le producteur ne compte pas renoncer à la betterave : il compte sur cette culture pour sa rotation, et estime malgré tout s’y retrouver sur le long terme.

Jean-Philippe Garnot est betteravier à Courpalay (Seine et Marne). (© Hélène Parisot / GFA)

Jean-Philippe Garnot explique mettre en place tout ce qu’il peut pour lutter contre la jaunisse. Il sème tôt, début mars malgré le risque de gel, pour que la betterave commence son développement en absence de puceron. Et il appuie sur l’importance de la gestion prophylactique, et notamment la destruction des cordons de déterrage. Une mesure assez simple dans son contexte de sol, mais qui ne l’est pas pour d’autres, reconnaît-il.