« Il y a un déficit de disponibilités dans toutes les catégories d’animaux, explique Emmanuel Bernard, le président de la section bovine de l’interprofession du bétail et de la viande (Interbev). Les cotations progressent en raison d’une décapitalisation qui se poursuit en France comme en Europe, à laquelle s’ajoutent les pertes liées aux crises sanitaires. Structurellement, il n’y a pas de raison que les prix reculent. Par contre, la vitesse à laquelle ils augmentent met les acteurs en tension. Pour l’avenir, je ne saurais pas me projeter, mais les conditions de production font que nous manquerons d’offre durablement. »
« Quand le prix de l’animal augmente autant en quatre ou cinq ans, le besoin de fonds de roulement touche tout le monde. Aujourd’hui, tous les maillons de la filière sont concernés. Perdre des vaches à cette vitesse a immanquablement des répercussions très fortes sur toute la filière. Trop peu d’éléments de sécurisation de marché sont utilisés et, pourtant, c’est la guerre de l’approvisionnement. Les éleveurs ont désormais tendance à ne pas vendre leurs animaux à la première sollicitation. Le rapport de force est complètement inversé par rapport à ce qu’on a vécu il y a quelques années. »
« C’est un accord nocif. Aujourd’hui, les pays du Mercosur arrivent à exporter de la viande en Europe et à rester compétitifs malgré 33 % de droits de douane. Cette même viande rentrera avec une taxe de 7 % si l’accord est mis en place. C’est un gain de compétitivité énorme pour eux. Le Brésil est capable de s’adapter à tous les marchés du monde. Il a envoyé 2 millions de tonnes de viande supplémentaires par an en Chine depuis huit ans. S’il considère que le marché chinois devient risqué, il peut réorienter des flux vers l’Europe pour assurer son débouché. Quand on parle de 100 000 tonnes, pour les pays du Mercosur, c’est une véritable opportunité qu’ils sont prêts à saisir. »
« Évidemment, car nous risquons d’ouvrir nos frontières au-delà du Ceta ou du Mercosur. Il y a des discussions avec de nombreux autres pays dont les conditions de production ne respectent pourtant pas les règles européennes. Mais la différence fondamentale avec la filière ovine est que nous sommes le premier cheptel naisseur européen et que la France nourrit un certain nombre de marchés européens pour l’engraissement. Nous avons le choix de conserver cette capacité à fournir en France un produit issu de nos élevages. Le risque est là, mais nous sommes combatifs et nous restons encore maîtres de notre destin. »
« Le contrat reste le meilleur outil. Il a un immense intérêt pour l’acheteur qui le met en place car il sécurise un approvisionnement sur un marché en forte tension. Pour les éleveurs qui veulent s’installer ou développer de l’engraissement, mieux vaut arriver avec un modèle contractuel, notamment pour sécuriser les banques qui l’accompagnent et s’assurer de couvrir les coûts de production. Aujourd’hui, j’entends des abatteurs dire qu’abattre, ça ne paye pas, mais ça fait au moins tourner les outils. Ça ne peut pas durer. Il est essentiel que chaque acteur de la filière soit rentable et équilibré économiquement pour continuer à proposer notre viande bovine française durable aux consommateurs. »