Cette semaine aura été marquée par la fin très attendue du shutdown aux États-Unis, après un record historique de durée de 43 jours. À cette annonce, s’ajoute l’accord négocié il y a deux semaines entre les États-Unis et la Chine concernant des achats de soja, soutenant les cours des matières premières à Chicago. En Europe, ce regain d’optimisme n’est que peu suivi, laissant les craintes refaire surface parmi les opérateurs. Ainsi la semaine dernière aura laissé place au retour des fondamentaux lourds, avec l’accélération des flux à l’exportation d’origine mer Noire entraînant les cours des céréales au niveau d’il y a trois semaines.
La demande à l’exportation au cœur des préoccupations
L’éphémère soutien des cours faisant suite à l’accord commercial entre les États-Unis et la Chine il y a deux semaines aura laissé la place au retour du scepticisme sur le marché des céréales. Le cours du blé rendu Rouen chute de près de 5 €/t en une semaine pour s’afficher à 188 €/t, proche des plus bas de campagne. Agreste confirme cette semaine une production française de 33,3 millions de tonnes en 2025, laissant l’Hexagone en proie à un potentiel bilan excédentaire faute d’une demande suffisante. Avec un objectif d’exportation vers les pays tiers de 7,5 millions de tonnes selon Argus pour la campagne, la France devra maintenir une très bonne compétitivité tout au long de celle-ci. FranceAgriMer a publié ses bilans le 13 novembre 2025 pour le mois de novembre, en maintenant les exportations vers les pays tiers à 7,8 millions de tonnes. Le stock de report est attendu au 30 juin 2026 à 2,8 millions de tonnes.
La perte de l’Algérie comme importateur de blé français laisse un manque notable, alors que la concurrence sur les autres origines s’intensifie. Les appels d’offres de l’Algérie cette semaine, suivie de la Tunisie, rappellent, si cela est nécessaire, l’abondance de l’offre sur le continent. Ainsi les origines mer Noire se positionnent sur l’Afrique du Nord tandis que le blé argentin gagne des parts de marché sur l’Afrique de l’Ouest.
En Argentine, les retours de rendement s’affichent sur des niveaux pour le moment record et l’arrivée de ces disponibilités sur le marché mondial sera à surveiller. L’évolution de la parité euro-dollar des prochaines semaines sera également à surveiller, alors que les prix français ne s’affichent qu’à quelques dollars d’écart avec l’offre mer Noire.
Aux États-Unis, la fin du shutdown annoncée le 13 novembre 2025 permettra très prochainement de retrouver l’accès aux publications officielles, comme celles sur les conditions de culture, les ventes à l’exportation mais aussi le rapport mensuel de l’USDA de ce vendredi 14 novembre programmé depuis plus d’une semaine.
Une demande en orge qui reste soutenue à court terme
Dans le sillage du blé, la pression baissière est de mise sur les orges fourragères qui perdent 3 €/t en une semaine à Rouen pour s’afficher à 186 €/t. Malgré le contexte morose sur le complexe céréalier, les orges bénéficient d’une demande dynamique, permettant aux cours de maintenir une certaine fermeté. Les disponibilités de plus en plus limitées en mer Noire, et la bonne demande mondiale, permettent aux orges européennes de trouver des débouchés sur la scène internationale. Ainsi, les orges françaises profitent d’opportunités sur des destinations telles que le Maroc, l’Arabie saoudite, la Lybie, le Qatar ou encore la Chine. Dans ce contexte, la prime de l’orge fourragère à Rouen maintient une certaine fermeté autour de + 2 €/t par rapport au blé Euronext. La publication de FranceAgriMer le 13 novembre 2025 a permis de confirmer la bonne dynamique à l’exportation avec 240 000 tonnes de ventes vers les pays tiers pour atteindre 3,25 millions de tonnes sur la campagne de 2025-2026. Cela permet au stock d’être réduit à 1,7 million de tonnes, contre 1,9 million de tonnes précédemment selon FranceAgriMer.
Face à la rétention des agriculteurs, des déclassements d’orges brassicoles sont courants afin de répondre à la demande fourragère soutenue. Cela permet de sécuriser les volumes nécessaires, alors même que le secteur brassicole traverse une période difficile et que la demande reste atone. L’arrivée imminente des récoltes en Australie et au Canada devrait renforcer la pression concurrentielle, apportant une compétitivité accrue sur le marché mondial d’ici les prochaines semaines.
L’environnement extérieur soutient la graine de colza
Le colza profite du contexte haussier du complexe, en particulier du soja, favorisé par les récentes annonces entre la Chine et les États-Unis. L’engagement de l’Empire du Milieu d’acheter 12 millions de tonnes de soja d’ici fin décembre, puis 25 millions de tonnes pour les prochaines années, entraîne une tension sur les cours, après la longue période de calme sur le marché du soja américain. Le rapport mensuel de l’USDA de ce vendredi 14 novembre en soirée est très attendu, notamment concernant la mise à jour de la demande de soja américain. Le colza trouve également du soutien en cette fin de semaine dans la hausse du pétrole de 2 % sur le WTI, dans un contexte de regain de tensions entre la Russie et l’Ukraine, après l’attaque de drone ukrainien sur un dépôt pétrolier dans le port russe de Novorossiysk.
En Europe, les incertitudes restent de mise concernant le marché du biocarburant en Allemagne. Cette dernière doit voter d’ici les prochains jours la mise en œuvre de sa directive sur les énergies renouvelables (Red III), pouvant apporter du soutien à l’huile de colza à moyen terme. En attendant, la situation ukrainienne reste un des éléments majeurs de tension sur le marché avec la rétention des flux à l’exportation de graines, après la mise en place d’une taxe de 10 % à l’exportation, retirée depuis. Malgré les exemptions accordées, les difficultés administratives ne permettent pas l’accélération des flux pour l’instant, privant l’Europe de sa principale source historique de graines. Dans ce contexte, la graine Fob Moselle franchit les 480 €/t pour s’afficher à 483 €/t. Entre bonne récolte européenne et flux des importations attendus prochainement, la tension sur la graine devrait se dissiper d’ici les prochains mois.
Enfin en France, Agreste confirme une bonne récolte française cette année en laissant inchangée son estimation de production 2025 à 4,63 millions de tonnes, soit une hausse de 17,5 % sur un an.
Les évènements géopolitiques donnent du soutien aux tourteaux
Faisant suite à une longue période de tendance baissière, les cours du tourteau à Montoir trouvent du soutien dans les évènements géopolitiques, pour s’afficher à 369 €/t soit une hausse de 57 €/t depuis mi-octobre. La rencontre entre Xi Jinping et Trump, donnant lieu à un engagement d’achat de la part de la Chine de 12 millions de tonnes de graines américaines d’ici fin décembre, fut sans conteste l’élément majeur de soutien des dernières semaines. Les cours de la graine à Chicago atteignent des plus hauts depuis juin 2024 à 11,50 $/bu, rendant par conséquent l’origine américaine beaucoup moins attractive face à sa concurrente brésilienne. De quoi s’interroger sur les volumes engagés par le géant chinois sur ces deux origines pour les prochains mois. Au Brésil, les semis ont par ailleurs commencé avec un léger retard, qui sera un élément à surveiller ces prochaines semaines.
La fin du shutdown aux États-Unis devrait permettre le retour très attendu des chiffres des exportations américaines, mais l’USDA devra tout d’abord rattraper le retard accumulé dans les données. En attendant, le rapport mensuel USDA de ce soir donnera l’occasion au marché de prendre connaissance des mises à jour depuis le mois de septembre et sera l’occasion d’un regain de volatilité. En Europe, les discussions autour de la date de mise en place de la loi RDUE [réglement européen de lutte contre la déforestation] ajoutent une prime de risque aux cours du tourteau, les rendant moins liquides pour les acheteurs sur les prochains mois. Sur le plan fondamental, les marges de trituration se réduisent face à la hausse des graines et aux pressions présente sur le marché des huiles végétales, mais les disponibilités en tourteaux devraient rester importantes sur la campagne 2025-2026.
L’offre mondiale globalement confortable compense ainsi la tension due aux annonces géopolitiques, en laissant sur ce point les opérateurs dans l’incertitude sur les mois à venir.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
(2) À suivre : rapport USDA le 14 novembre 2025 ; évolution des récoltes aux États-Unis ; évolution de la demande de blé pour l’Europe ; évolution de la parité euro-dollar ; weather market dans l’hémisphère Sud.