La concurrence moins forte qu’attendu des exportations de blé, d’orge et de maïs en provenance de la mer Noire est un des éléments de soutien des grains français. Mais l’abondance de l’offre mondiale continue de peser sur les cours.

Un marché du blé partagé

Le marché du blé termine une semaine d’hésitation, tiraillé par de multiples influences au premier rang desquelles figure la parité de l’euro avec le dollar. Cette dernière reprend de la hauteur à 1,1700, à la faveur d’un échec de la censure du nouveau gouvernement français et de la perspective d’une nouvelle baisse des taux de la Réserve fédérale américaine (Fed). Voilà qui vient peser sur un cours du blé pourtant soutenu tout au long de la semaine. Un recul hebdomadaire de 2,75 €/t, à 186,75 €/t base juillet rendu Rouen, est donc enregistré.

Parmi les éléments de fermeté, le marché du blé peut toujours compter sur une forte rétention de la part des producteurs. Du côté de la demande, le blé français s’en sort assez bien ces dernières semaines. Les moindres importations de blé ukrainien depuis le début de campagne dans l’Union européenne permettent une bonne présence de l’origine hexagonale sur le marché communautaire. Sur la scène internationale, les prix mer Noire se tiennent bien autour des 230 $/t Fob. Ils profitent en outre d’un regain d’appétit des pays importateurs tels que l’Arabie Saoudite dont les achats récents approchent le million de tonnes. Cela permet au blé français de rester bien placé à destination de ses débouchés traditionnels de l’Afrique subsaharienne et du Maroc. De nouvelles ventes ont également été confirmées vers l’Égypte. Toutefois, les cours ne parviennent pas à progresser tant la concurrence est élevée et les volumes à vendre importants. Le blé français est tenu en échec dans ses tentatives de rebond : sur le marché à terme, par la chute sur de nouveaux plus bas du blé à Chicago et sur le marché à l’exportation par la baisse des prix du blé argentin qui lorgne désormais sur notre pré carré marocain.

La fermeté de l’orge fourragère tient la brasserie

C’est toujours un marché des orges à deux visages qui se dessine. La fourragère est tirée par l’exportation, tandis que la brasserie subit de plein fouet une réelle crise de demande. Cependant, les cours de l’orge de brasserie se sont tellement repliés qu’ils suivent et s’ajustent désormais aux mouvements de l’orge fourragère par simple sympathie. Dans ce contexte, les orges sont les seules céréales à progresser sur la semaine écoulée, avec un gain hebdomadaire de 1 €/t à 182 €/t base juillet rendu Rouen pour l’orge fourragère et de 3 €/t à 184 €/t base juillet pour l’orge brassicole Fob Creil.

L’écart de prix entre orge fourragère et blé meunier devient de plus en plus réduit puisque seuls 2,75 €/t séparent les deux cotations de référence à Rouen. En cause, une situation tendue pour l’orge fourragère en mer Noire. Les disponibilités exportables de Russie et d’Ukraine sont en déclin cette année tandis que les besoins d’importations de la Turquie sont en très forte hausse à la suite d’une mauvaise récolte en 2025. Dans ce contexte, le volume d’orges mer Noire disponible pour les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient est considérablement réduit. Cela laisse donc une place de choix à l’origine française qui est la plus compétitive à ce jour. Le marché international de l’orge fourragère regarde néanmoins de plus en plus vers l’hémisphère Sud. En effet, les récoltes d’orges argentines et australiennes attendues comme excellentes ne manqueront pas de vouloir elles aussi tirer leur épingle du jeu.

Le colza reste dans l’hésitation

Le colza s’inscrit lui aussi dans la liste des marchés indécis et partagés. Le marché n’est pas parvenu à poursuivre sa dernière hausse au-delà des 473 €/t Fob Moselle. La graine de colza marque donc un repli hebdomadaire de 5 €/t, à 468 €/t. Quelques éléments de soutien persistent, à commencer par la décevante récolte de tournesol en Europe et en Ukraine. Les rendements ukrainiens encore plus mauvais que prévu engendrent une progression de l’huile de tournesol, ce qui vient soutenir par sympathie l’huile de colza européenne. Toujours en Ukraine, les exportations de colza peinent à décoller tant les formalités administratives imposées aux producteurs pour bénéficier d’une dérogation de taxe à l’exportation sont importantes. Le flux d’importations dans l’Union européenne est donc momentanément réduit.

Cependant, l’ambiance générale sur le complexe oléagineux mondial se trouve fragilisée par la chute des cours du pétrole. Avec le cessez-le-feu à Gaza, les tensions géopolitiques s’apaisent au Moyen-Orient. La prime de risque s’efface des cours du pétrole et laisse davantage la lourdeur des fondamentaux s’exprimer. Une mécanique qui ramène le baril vers les 57 dollars à New York et ses plus bas de l’année 2025. Voilà qui sème le doute sur les politiques publiques favorables aux biocarburants à travers le monde.

Alors que les relations entre la Chine et les États-Unis s’enveniment et menacent l’avenir à l’exportation du soja américain, l’empire du Milieu semble plus ouvert à la négociation avec le Canada au sujet du canola. La Chine se dit prête à lever son ban à l’importation de canola canadien si le Canada lève en retour ses taxes sur les voitures électriques chinoises, objet initial de la discorde entre les deux pays. L’issue de ces tractations est d’autant plus importante qu’une grande partie du canola canadien, qui n’irait pas en Chine cette campagne, se retrouvera en Europe face au colza français.

Le soja américain pénalisé par l’absence d’achats de la Chine

Le marché du tourteau de soja n’évolue pratiquement pas sur le portuaire français. Les cours oscillent sans conviction dans la zone entre 310 et 315 € en délivré montoir pour s’afficher avec un gain hebdomadaire de 1 €/t, à 312 €/t. Alors que la situation fondamentale demeure particulièrement lourde sur ce produit, le niveau de prix atteint, proche du seuil symbolique des 300 €/t et largement des plus bas niveaux de ces dix dernières années au moins, stimule un intérêt acheteur régulier. Cela, d’autant plus que la contraignante réglementation européenne sur la déforestation est reportée.

Sur le marché de Chicago, la graine de soja a fortement souffert depuis le 10 octobre 2025, des tensions croissantes entre la Chine et les États-Unis. Le ton est monté entre les deux parties. Chacun brandit tour à tour la menace de nouvelles représailles. À chaque épisode, la perspective d’une reprise des achats de soja américain par la Chine s’éloigne davantage.

Le soja américain sauve toutefois sa semaine en saluant les très bons chiffres de trituration de la Nopa aux États-Unis sur septembre de 197,863 millions de boisseaux. L’activité de trituration ressort bien au-dessus des attentes et en hausse de 4,2 % sur un mois et de 11,6 % sur un an. La croissance de la demande intérieure vient ainsi compenser le déclin des exportations. Parmi les rares chiffres qui émanent encore de l’USDA en cette atypique période de shutdown, persistent les inspections hebdomadaires à l’exportation. Il en ressort des chargements sur la semaine dernière de 994 008 tonnes, soit un total de 4,04 millions de tonnes chargées depuis le début de campagne, en recul de 26 % par rapport à 2024 à la même date.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
(2) À suivre : négociations commerciales et tarifaires entre les États-Unis et la Chine ; évolution de la parité euro/dollar ; activité de chargement et de ventes à l’exportation au départ de la France en blés et en orges ; avancées des récoltes de maïs en Europe et aux États-Unis.