Tous les produits sont touchés, des céréales aux oléagineux, dans un marché incertain maintenu dans le brouillard par le « shutdown », le blocage du vote du budget aux États-Unis, qui entraîne une paralysie d’une partie de l’administration fédérale et donc des publications des données agricoles. Le blé américain a terminé mardi à 5,00 dollars le boisseau (27 kg). Il revient à des niveaux plus vus depuis 2020, « essayant de rester compétitif sur le marché mondial » où l’abondance règne, indique Arlan Suderman, de la plateforme de courtage StoneX Financial. La céréale du pain restait en repli mercredi, de Chicago à Euronext. Quant au soja, il a clôturé en repli à 10,06 dollars, payant le prix de l’interminable match entre le président américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping.

Menaces de représailles

Ces derniers mois, le conflit douanier — avec une surtaxe de 20 % imposée par Pékin au soja américain — a fermé aux agriculteurs américains le chemin du géant asiatique, premier acheteur mondial de la graine oléagineuse. Alors que les agriculteurs américains espéraient une rencontre au sommet et donc une possible embellie sur le front douanier, les derniers échanges ont plombé le moral des exportateurs. Reprochant à la Chine de ne pas acheter de soja américain, Donald Trump a menacé mardi, en représailles, de stopper les achats d’huile de cuisson à la Chine, dont les États-Unis étaient le plus gros acheteur en 2024. « Le marché du soja fluctue au gré des derniers espoirs ou craintes » sur le plan commercial et « tout tourne autour de la Chine », a résumé Arlan Suderman. Il estime que la question est maintenant « de savoir si les deux présidents (Donald Trump et Xi Jinping) vont se rencontrer ».

Climat de défiance

Mais pour Rich Nelson, de la maison de courtage Allendale, compte tenu des tensions actuelles, « nous ne verrons probablement pas d’accord entre la Chine et les États-Unis concernant des achats de soja ». Et cela « pourrait entraîner une nouvelle baisse des prix de nombreuses denrées agricoles », estime l’analyste.

C’est toute la géographie des échanges de la graine oléagineuse qui pourrait se voir redessinée : « le Brésil ne fait qu’augmenter ses estimations de production : sur 178 millions de tonnes de graines de soja attendus pour cette campagne, il prévoit d’en exporter 112. La Chine pourrait se contenter des graines brésiliennes — ce qui explique que les cours ne remontent pas », selon Damien Vercambre, analyste au cabinet Inter-Courtage.

En outre, l’apaisement des tensions géopolitiques au Moyen-Orient a entraîné une baisse des cours du pétrole, laquelle pèse à la baisse sur les prix des oléagineux, des graines (de soja, tournesol ou colza) pressées pour leur huile, largement utilisée dans les biocarburants.

« Ces deux facteurs, baisse du pétrole et éloignement des perspectives de vente du soja américain, créent un climat de défiance sur l’ensemble du secteur des matières premières, et par extension sur le marché des gains », estime Sébastien Poncelet, analyste chez Argus Media.

La Russie reste prudente en blé

Par contraste avec le marché américain, les blés européens se maintenaient à un prix relativement stable, autour de 190 euros la tonne : les cours trouvent notamment du soutien dans « l’activité portuaire » avec de nombreux bateaux en cours de chargement depuis la France pour l’Egypte, le Maroc et l’Afrique subsaharienne, et « la forte rétention des producteurs » qui attendent avant de vendre leur récolte. Toutefois, « les prix se tiennent en France parce qu’ils ne baissent pas en Russie », le premier exportateur mondial de blé engageant prudemment sa moisson sur les marchés, selon l’analyste.

En dépit d’une énorme récolte mondiale, les prix du maïs européen se maintenaient, notamment du fait d’une mauvaise récolte dans les régions françaises touchées par la canicule, dont la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie.

L’Europe, qui a besoin d’importer du maïs chaque année, « n’a pas encore commencé à importer de maïs ukrainien », ce qui permet à la France de « vendre à ses voisins, notamment dans la péninsule Ibérique » et cette demande européenne « soutient les prix », a aussi expliqué M. Poncelet.