Les cours des matières premières agricoles sont rattrapés par la morosité ambiante, effaçant les gains accumulés ces dernières semaines. L’épisode haussier, soutenu par des rachats de positions de la part des opérateurs financiers, aura été de courte durée. Les fondamentaux reprennent désormais le dessus, à quelques semaines du début des moissons des cultures d’hiver dans l’hémisphère Nord.

Retour à la case départ pour le blé

Le marché du blé retombe dans ses travers, revenant tester son support des 200 €/t sur l’échéance de septembre d’Euronext. Après un bref passage au-dessus des 210 €/t, porté par l’activité des opérateurs financiers, les fondamentaux ont rapidement repris le dessus.

Parmi ces fondamentaux, le plus pesant reste le manque de demande sur la scène internationale, dans un contexte économique toujours incertain. De plus, les rares affaires conclues se font hors de France, en raison d’un déficit de compétitivité des origines hexagonales. La parité de l'euro par rapport au dollar, toujours située entre 1,13 et 1,14, n’aide pas, d’autant que Donald Trump a récemment réaffirmé son intention d’imposer des taxes sur les produits européens.

Dans le même temps, les offres en provenance de la mer Noire, notamment russes, demeurent agressives, alors que la récolte de 2025 s’annonce dans une fourchette de 81 à 85 millions de tonnes. Selon les opérateurs locaux, les températures élevées observées dans certaines régions ne devraient pas avoir d’impact significatif sur les rendements.

Autre source d’inquiétude récente : la Chine, où une vague de chaleur a conduit les autorités à placer la région du Henan en état d’urgence. Toutefois, les travaux de récolte ont débuté, et les premiers retours sur les rendements sont jugés corrects, ce qui ne devrait pas offrir de véritable opportunité aux opérateurs français, toujours exclus des appels d’offres algériens.

En France, les récentes précipitations ont amélioré la situation dans de nombreuses régions. Cela ne se reflète pas encore dans les chiffres de Céré’Obs, qui indique que 70 % des blés sont jugés en bon à excellent état, soit un point de moins que la semaine précédente.

La prime a fait le travail en orge

La prime de l’orge fourragère surprenait récemment par sa fermeté, s’affichant autour de –15 €/t à Rouen. Ce niveau s’explique par quelques courants d’affaires, notamment avec la Chine, ce qui est prometteur pour la suite. La guerre commerciale sino-américaine reste un facteur à surveiller de près, car elle pourrait influencer les flux internationaux. En cas de tensions avec les États-Unis, les importations chinoises de sorgho pourraient ralentir, ce qui profiterait potentiellement à l’orge, les acheteurs locaux ayant le choix entre orge, maïs et sorgho selon les usages.

Parmi les autres destinations, le Moyen-Orient a concentré la majorité des intérêts au cours de cette campagne, une dynamique à suivre dans les prochaines semaines. Au-delà de la demande, l’attention se porte désormais sur l’offre. En France, les pluies ont été éparses mais globalement bénéfiques. Toutes les régions n’ont pas été arrosées de manière homogène, mais les conditions de culture se sont améliorées. Toutefois, Céré’Obs n’enregistre pas encore cette amélioration, abaissant d’un point la part des orges jugées en bon à excellent état, à 65 %.

En attendant l’arrivée des volumes de la nouvelle récolte dans quelques semaines, les disponibilités restent abondantes dans l’hémisphère Sud, ce qui limite la nervosité des marchés. Les températures élevées annoncées en Russie ne semblent pas non plus de nature à tendre un bilan jugé confortable.

Du côté de l’orge brassicole, les prix se replient sous l’effet des pluies en Scandinavie. Ces précipitations, bien que nécessaires, ont offert un répit aux acheteurs, ralentissant les échanges et exerçant une pression sur les prix à Creil.

Le canal reste en place en colza

Depuis mars dernier, le colza reste ancré dans un canal étroit de 460 à 490 €/t sur l’échéance d'août d’Euronext, sans véritable volonté d’en sortir. Il faut dire que les facteurs de marché ont souvent été contradictoires, empêchant la graine européenne de prendre une direction claire. Dernièrement, ce sont les huiles et les tourteaux qui exercent une pression baissière sur les cours.

Faute de demande sur la scène internationale, l’huile de palme peine à se stabiliser autour du seuil psychologique des 4 000 ringgits la tonne. Parallèlement, les tourteaux de soja à Montoir atteignent des niveaux historiquement bas. L’activité de trituration du soja en Europe reste soutenue, en raison du manque de colza et de tournesol en cette fin de campagne.

Outre-Atlantique, le canola est également sous surveillance. Après une envolée récente, les prix reculent, les semis progressant à bon rythme au Canada. Dans le Saskatchewan, par exemple, 83 % des surfaces de canola sont déjà emblavées.

En France, les pluies ont été bénéfiques pour le colza, nourrissant l’espoir d’une bonne récolte pour la campagne de 2025. Selon Argus Media, la production nationale pourrait atteindre environ 4,4 millions de tonnes cette année. Les conditions en Europe sont globalement favorables, mais l’attention se tourne vers l’Ukraine. Les nombreux retournements de parcelles y fragilisent les perspectives de récolte pour 2025, ce qui n’est pas sans conséquence pour les opérateurs européens, compte tenu des flux importants en provenance de ce pays. À moyen terme, l’Australie sera également à surveiller, alors que les semis y débutent dans des conditions sèches.

Les tourteaux de soja toujours sous pression

Les tourteaux de soja restent sous pression, tant aux États-Unis qu’à Montoir. La parité de l'euro par rapport au dollar, qui oscille autour de 1,13 à 1,14, constitue un facteur à surveiller de près, tout comme le flux d’importations vers l’Europe. Depuis le début de la campagne, près de 13 millions de tonnes de graines de soja et 17 millions de tonnes de tourteaux ont été importées dans la zone euro, contre respectivement 12 millions de tonnes et 14 millions de tonnes l’an dernier.

Naturellement, les volumes de graines sont triturés, ce qui augmente l’offre en tourteaux et exerce une pression sur les prix. Les opérateurs ont également profité de la pause annoncée par la Maison Blanche avant l’entrée en vigueur de nouvelles taxes. Sur ce dossier, les prochaines semaines seront décisives, Ursula von der Leyen et Donald Trump étant actuellement en pourparlers.

Au-delà des échanges commerciaux, l’attention se porte aussi sur le terrain. Aux États-Unis, les travaux agricoles progressent bien : les semis sont réalisés à hauteur de 76 %, un niveau supérieur à la moyenne des dernières années (68 %). En Argentine, la récolte se poursuit avec 81 % des surfaces moissonnées, soit 6 points de plus que la semaine précédente. Les disponibilités dans le pays deviennent donc de plus en plus confortables, ce qui pourrait accentuer la pression sur l’ensemble du complexe soja.

À moyen terme, seule la météo durant la floraison américaine pourrait modifier la tendance actuelle d’un marché orienté à la baisse. Il convient toutefois de noter que les tourteaux de soja conservent une excellente compétitivité dans la course à la protéine auprès des fabricants d’aliments pour le bétail.

À suivre : évolution de la parité de l'euro par rapport au dollar ; négociations entre l’Europe et les États-Unis sur les tarifs ; évolution de la météo en Russie, en Chine et en Australie ; développement des cultures en mer Noire, en Europe et en Amérique du Nord ; rapport Abares en Australie ; évolution de la position des fonds, tant sur Chicago que sur Euronext.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.