Pour l’heure, le ralentissement des exportations de blé en Mer Noire laisse place à l’arrivée des volumes du côté de l’Argentine et de l’Australie. La situation se tend tout de même sur le marché du maïs, entre l’augmentation de la demande de maïs américain et les craintes climatiques en Amérique du Sud. Les potentiels de production de soja sont également menacés en Argentine et au Brésil, entraînant quelques rachats de position de la part des fonds. Enfin, le colza se consolide proche des plus hauts de campagne, à l’heure où le rationnement de la demande se met en place en Europe et les bilans canadiens restent sous tension.
Baisse des taxes de blé à l’export en Argentine
Le disponible exportable de blé pour la deuxième partie de campagne chez les principaux pays exportateurs est nettement inférieur à celui de 2024 et de 2023. C’est notamment du côté de l’Union européenne, de l’Ukraine et de la Russie que celui-ci diminue le plus. À seulement 30 millions de tonnes cumulées, ce volume atteint son niveau le plus bas des dix dernières années. En plus de cela, il faut rappeler que la Russie met en place un quota à l’export de 10,6 millions de tonnes à compter du 15 février prochain.
Cette situation poussera donc la demande à se tourner vers les origines américaines ou celles de l’hémisphère Sud. Australie comme Argentine profitent toutes deux d’une bonne récolte détendant quelque peu la tension sur ce début d’année 2025. Selon la Bourse de Buenos Aires, la récolte de blé en Argentine atteindrait 18,6 millions de tonnes, soit une hausse de 7 % par rapport à la précédente campagne et de 6 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Dans sa quête d’atteindre rapidement son objectif à l’export avant l’arrivée des récoltes de maïs et de soja, l’Argentine abaisse cette semaine les taxes de blé à l’exportation de 12 % à 9,5 %.
Si ces éléments liés au commerce mondial prédominent à cette période et empêchent le blé meunier rendu Rouen de prendre une réelle direction depuis plusieurs semaines, l’évolution des conditions de cultures reste à surveiller. Dans l’hémisphère Nord, les dégâts liés aux gelées qui ont touché les États producteurs de blé d’hiver aux États-Unis seront à surveiller dans les prochaines semaines. Il en est de même en Russie où le potentiel de production pour la récolte de 2025 est déjà limité par les baisses de surfaces semées à l’automne dernier. C’est donc dans ce climat d’incertitudes que le blé rendu Rouen gagne au cours de la semaine 4 €/t pour atteindre 226 €/t base juillet.
Rebond de la prime fourragère à Rouen pour l'orge
Orpheline de la demande chinoise, son principal acheteur des dernières campagnes, l’orge fourragère française se contente pour le moment d’exportations à destination du Maroc. Ce dernier a notamment émis cette semaine un appel d’offres auprès de ses acheteurs pour un volume de 200 000 tonnes d’orges. Forte de ce léger regain d’activité, la prime de l’orge fourragère à Rouen progresse à -15 €/t soit son niveau le plus élevé depuis avril 2024. Mécaniquement, son prix rendu Rouen en profite et grimpe au cours de la semaine avec le soutien du blé de 9 €/t pour atteindre 208 €/t base juillet.
La céréale retrouve ainsi ses niveaux les plus hauts des sept derniers mois. Ce moment d’accalmie ne permettra pas d’omettre à plus long terme que les disponibilités d’orge en France restent confortables. Les stocks de fin de campagne 2024-2025 sont attendus au plus haut des dix dernières années à 1,54 million de tonnes.
De plus, il semble compliqué pour l’origine française de capter pour le moment davantage de débouchés à l’exportation à destination des pays tiers au regard de la concurrence des pays de l’hémisphère Sud sur ce marché. L’Australie et l’Argentine jouissent toutes deux d’une bonne récolte cette année. Selon la Bourse de Buenos Aires en Argentine, la production d’orge devrait atteindre 4,9 millions de tonnes et ses exportations 3,4 millions de tonnes. Un tel volume lui permettrait de prendre la place de deuxième exportateur mondial devant la France. C’est dans un contexte plutôt confortable sur ce marché que les opérateurs suivent l’évolution des conditions de cultures dans l’hémisphère Nord.
Repli du colza dans le sillage du canola et de l’huile de palme
Les amplitudes quotidiennes restent importantes sur le marché du colza mais les cours trouvent un équilibre entre 515 €/t et 550 €/t depuis début décembre. La semaine dernière a ainsi été marquée par une hausse de 4 €/t pour s’afficher à 528 €/t Fob Moselle.
Le contexte macroéconomique reste sous surveillance avec l’investiture de Donald Trump à la Maison Blanche en début de semaine. Chaque annonce du nouveau Président américain est scrutée avec une attention particulière. Parmi les premières déclarations, la mise en place de taxes à l’importation sur les matières premières en provenance du Canada pourrait fortement perturber les flux entre les deux pays voisins. Il faut dire que 96 % des exportations canadiennes d’huile de canola ont pris la direction des États-Unis ces dernières années. À cela s’ajoutent de nouvelles mesures sur les biocarburants américains, qui semblent pour le moment favoriser le soja local, au détriment du canola.
Malgré cela, les bilans canadiens de graines restent sous tension pour la campagne actuelle. L’augmentation continue de l’activité de trituration maintient une consommation locale importante. Dans le même temps, les exportations de graines de canola restent dynamiques depuis le début de la campagne et les stocks de report s’annoncent limités.
Du côté de l’Europe, le rationnement de la demande de colza se fait ressentir dans les usines de trituration. Selon la Fédiol, la Fédération européenne représentant l’industrie des huiles végétales et des farines protéinées, 1,54 million de tonnes de colza ont été écrasées en Europe, soit une baisse de 8 % par rapport à la moyenne quinquennale. La graine de colza laisse place à la graine de soja, à ce jour plus compétitive.
Si le marché du colza reste partagé, le soutien du complexe oléagineux vient du rebond du soja sur les marchés mondiaux. Le regain de tensions des bilans américains, la trituration de soja américain toujours très dynamique et les craintes sur les potentiels de production en Amérique du Sud permettent le rebond des cours.
Trituration record de soja en Europe
La trituration européenne d’oléagineux s’accélère. C’est notamment la trituration de soja qui marque un nouveau record mensuel, avec 1,34 million de tonnes de graines écrasées en décembre selon la Fédiol. Cette activité soutenue permet de compenser le ralentissement de la trituration des graines de colza, logiquement pénalisée par la baisse de production européenne. Ce dynamisme global de l’activité industrielle est rendu possible par le rythme toujours élevé d’importations de graines de soja, avec 7,9 millions de tonnes ayant franchi les portes de la zone unique selon la Commission européenne à date, contre 7,2 millions de tonnes en moyenne ces cinq dernières années.
Dans le même temps, les grands importateurs de soja ont leur regard fixé sur l’Amérique latine. Si la Chine a refusé quelques chargements de soja brésilien pour des raisons phytosanitaires, c’est bien le début de moisson tardif au Brésil qui anime le plus les cours, malgré un potentiel de production record. Au Mato Grosso, moins de 2 % des surfaces ont été récoltées contre plus de 12 % l’an passé, en raison de précipitations persistantes. À l’inverse en Argentine, la route jusqu’à la récolte est encore longue, les semis venant à peine de se terminer. De plus, après plusieurs semaines de chaud et de sec, la Bourse de Buenos Aires abaisse déjà de 1 million de tonnes le potentiel de production du pays, soit 49,6 millions de tonnes. Malgré ces risques climatiques, le Président argentin Javier Milei décide de favoriser le commerce international en réduisant les taxes à l’export de son pays, qui est pour rappel le premier exportateur de tourteaux.
Enfin, les premiers jours de Donald Trump à la Maison Blanche ne manquent pas d’animer les marchés. L’incertitude reste grande, tant sur la politique tarifaire internationale, que sur la politique énergétique du pays. Dans ce contexte global et volatil, le prix du tourteau de soja gagne 5 €/t à 375 €/t sur le spot délivré Montoir, après être venu tester les plus bas de campagne à près de 360 €/t en tout début de semaine.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : rebond de la parité euro-dollar ; début de mandat de Donald Trump à la Maison Blanche ; compétitivité du blé français ; ralentissement des exportations de blé russe, accélération des exportations de blé et d’orges en Australie et Argentine, baisse des taxes à l’export en Argentine ; conditions de culture des blés en hémisphère Nord ; conditions de culture des sojas et maïs en Amérique latine ; flux d’importations de maïs et colza en Europe ; évolution de la trituration de soja aux États-Unis et de colza en Europe ; réglementations sur les incorporations d’huiles dans les biocarburants aux États-Unis.