Quelles sont les conséquences de la mauvaise récolte de 2024 ?
La récolte française de blé tendre, la pire depuis 40 ans, est faible en volume comme en qualité. Les poids spécifiques sont dégradés. En moyenne, 72 % sont inférieurs à la norme de 76 kg/hl. C’est un critère requis pour une grande partie de nos débouchés : pour notre marché intérieur, en amidonnerie ou en meunerie, et à l’exportation.
Nous allons perdre 60 % de nos activités d’exportation vers les pays tiers, la variable d’ajustement des volumes. Mobiliser des blés de qualité exportable risque de devenir de plus en plus compliqué tout au long de la campagne, même si ce n’est pas un sujet aujourd’hui grâce au travail d’allotage et de triage.
En Europe, la situation est similaire, avec 8 millions de tonnes de blé tendre en moins à l’exportation en 2024-2025. Cette baisse ne sera pas compensée par nos principaux concurrents, la Russie et l’Ukraine, à qui il manque respectivement 8 millions de tonnes et 3 millions de tonnes à l’exportatiion. Ces pays vont puiser dans leurs stocks, qui sont attendus très bas en fin de campagne (7 millions de tonnes en Russie, 1 million de tonnes en Ukraine).

Comment s’est passée la première partie de campagne ?
Jusqu’à présent, le marché a été plutôt neutre, voire légèrement baissier. Nous sommes dans une situation de tension, avec 21 millions de tonnes en moins entre l’Europe, la Russie et l’Ukraine, mais cela ne s’est pas reflété dans les prix, car les Russes et les Ukrainiens ont été très actifs à l’exportation.
Avec une qualité moindre, et face à une très forte compétitivité de la Russie (5 millions de tonnes exportées par mois), nous n’avons pas trouvé notre place sur le marché à l'exportation. Au niveau géopolitique, on a également perdu la main en début de campagne, notamment en Afrique, dont l’Algérie.
À quoi peut-on s’attendre ensuite ?
Des volumes records ont déjà été sortis de Russie et d’Ukraine, il est fort probable que leurs exportations ralentissent. De plus, le gouvernement russe souhaite les limiter pour son pays, en augmentant d’abord les taxes à l’exportation, puis en mettant en place des prix minimums à l’exportation, qui n’ont pas été respectés par les exportateurs. Il imposera des quotas à l’exportation de 11 millions de tonnes entre le 15 février et le 30 juin 2025.
La concurrence sera moins forte et la demande mondiale se tournera davantage vers le blé européen et français. Faute de disponibilités russes et ukrainiennes, les pays qui boudaient l’origine France pour des raisons géopolitiques seront obligés de se tourner vers l’Hexagone pour garantir leur approvisionnement. Tous ces éléments devraient au minimum limiter la baisse des prix, et même potentiellement soutenir les marchés.
Il y a donc de fortes chances que l’on gagne en compétitivité au niveau mondial en deuxième partie de campagne et que l’on retrouve une place à l’exportation. La chute de l’euro depuis l’élection de Trump nous rend par ailleurs plus compétitif en dollar.