Après avoir marqué 90 €/t de hausse depuis plus de deux mois, la graine de colza finit par sortir du canal haussier en place. Du côté des céréales, le regain de compétitivité du blé français ces dernières semaines, ainsi que l’escalade des tensions en mer Noire et les quelques rachats de positions de la part des fonds ont permis aux marchés de rebondir.

Entre tensions géopolitiques et équilibre fragile des bilans pour le blé

La tension monte sur les cours du blé, qui gagnent plus de 10 €/t en une semaine sur le prix rendu Rouen, pour s’afficher à 221,75 €/t. Parmi les nouveaux éléments de soutien, les opérateurs intègrent récemment le retour de la prime de risque en mer Noire.

À la suite des attaques de la Russie, l’Ukraine surenchérit avec le soutien des États-Unis avant la prochaine investiture de Donald Trump. Si les attaques récentes de l’Ukraine et de la Russie n’ont à ce jour pas ralenti les flux à l’exportation, les opérateurs restent inquiets sur le remaniement des relations commerciales à l’international si le futur président américain applique les taxes annoncées lors de la campagne électorale.

Sur la scène à l'exportation, les flux ukrainiens et russes continuent d’occuper le devant de la scène, avant un éventuel rationnement de ces derniers, attendus en seconde partie de campagne. Les regards seront alors tournés vers l’Europe dont la compétitivité se voit améliorée par la poursuite de la chute de l’euro par rapport au dollar.

Pour autant, les opérateurs sont principalement concentrés sur l’hémisphère Sud, dont le potentiel de production est l’objet de toutes les attentions. En Australie, la Grain Industry Association of Western Australia (GIWA) annonce ainsi augmenter ses prévisions de production à l’ouest, pour un total qui devrait maintenant excéder les 31 millions de tonnes. Dans un bilan qui pourrait se resserrer en seconde partie de campagne, l’équilibre de l’offre et de la demande sera un élément déterminant face aux tensions géopolitiques croissantes.

Rebond de l’orge dans le sillage des céréales

La nervosité revient peu à peu sur les marchés des matières premières agricoles. Les prix de l’orge fourragère ont rebondi de +16 €/t cette semaine pour revenir aux portes des 200 €/t, à 199 €/t en base juillet rendu Rouen.

Tout d’abord, le marché de l’orge évolue dans le sillage de l’ensemble du complexe céréalier, et notamment du blé. La correction de la parité euro/dollar a permis de renforcer la compétitivité du blé français. Les quelques courants d’affaires vers le Maroc ces dernières semaines ont été salués par le marché. À cela s’ajoute une escalade des tensions en région mer Noire, ravivant quelques craintes sur la capacité de l’Ukraine et de la Russie à exporter dans les prochains mois.

Dans ce contexte, l’ajustement de l’orge ces dernières semaines a permis de retrouver de la compétitivité, aussi bien à l’échelle locale pour la consommation animale que sur la scène à l'exportation. L’orge française retrouve peu à peu de la demande et dans son rapport mensuel, FranceAgriMer a maintenu son objectif d’exportations de 2,2 millions de tonnes vers les pays tiers et de 2,8 millions de tonnes vers l’Union européenne. Ce total de 5,1 millions de tonnes d’exportations en 2024-2025 reste tout de même inférieur aux 6,8 millions de tonnes de l’an passé.

Cela s’explique également par des volumes disponibles moins importants en raison d’une récolte réduite de 20 % cette année. Le regain de demande sur l’orge française permet à la prime fourragère de s’apprécier, revenant autour de –25 €/t à Rouen, contre –30 à –35 €/t depuis les récoltes. Désormais, les regards se tournent également vers les perspectives sur la nouvelle campagne, à l’heure où les semis d’orge d’hiver se terminent en France et que 85 % des surfaces sont notées en bonnes ou excellentes conditions.

Enfin, la situation évolue peu sur le marché de l’orge de brasserie. La morosité de la demande et les faibles échanges limitent pour le moment le potentiel de hausse. La progression des récoltes australiennes au gré des fenêtres météorologiques favorables permettra d’apporter quelques ajustements sur les bilans mais l’évolution des prix de l’orge brassicole est aujourd’hui liée à celle du complexe céréalier.

Forte correction du marché du colza

La chute des prix de l’huile de palme à Kuala Lumpur provoque le repli des huiles concurrentes et de l’ensemble du complexe oléagineux. Entre tensions sur les stocks malaisiens, indonésiens ou encore chez les principaux importateurs asiatiques, le rationnement du palme par son prix finit enfin par faire ses preuves. Au sujet de l’Indonésie, les exportations exceptionnelles des derniers mois finissent par ralentir, à 1,86 million de tonnes.

La Malaisie cherche le même objectif en augmentant cette semaine ses taxes à l’exportation à 10 % pour les niveaux de prix supérieurs à 4 000 ringgits/t. Mécaniquement, les chargements à destination de l’Inde ou encore de la Chine ralentissent. Ces importateurs trouvent aujourd’hui satisfaction auprès d’autres produits plus compétitifs.

Poussées également par la hausse des prix du palme ces derniers mois, les huiles européennes corrigent fortement. Avec 290 €/t de hausse en l’espace de deux mois, l’huile de colza cède à Rotterdam –45 €/t pour atteindre désormais 1 148 €/t. Outre un changement de tendance qui semble se profiler, l’importante amplitude de variation quotidienne témoigne de la nervosité du complexe oléique. Le colza cède en l’espace de deux jours près de deux semaines de gain. Après une chute de 34 €/t, la graine de colza Fob Moselle évolue désormais à 514 €/t.

À ce sujet, la tension sur le bilan européen de la campagne en cours reste d’actualité. Les importations seront à surveiller, notamment en provenance de l’Australie, où les récoltes progressent actuellement. Les opérateurs sont pour le moment moins soucieux de la future récolte au regard de l’écart de 40 €/t entre les prix de la récolte de 2024 et ceux de la récolte de 2025.

Récolte de soja à haut potentiel en Amérique du Sud

Indifférents dans le mouvement de hausse du complexe oléagineux, les tourteaux le sont également dans leur récent repli. Le tourteau de soja marque même un rebond au cours de la semaine après avoir touché le 18 novembre son plus bas niveau depuis octobre 2020 sur son contrat Spot délivré Montoir, à 366 €/t. La baisse de la graine remet cependant en question son attractivité au regard du ratio soja/tourteau de soja à la Bourse de Chicago. C’est donc bien du côté de l’évolution des prix de la graine que le tourteau trouvera sa direction.

À ce sujet, les États-Unis réalisent une nouvelle semaine de ventes à l’exportation des plus dynamiques à 1,86 million de tonnes. Toutefois, les exportations américaines sur la campagne de 2024-2025 enregistrent toujours un léger retard par rapport à l’objectif fixé par l’USDA (ministère américain de l’Agriculture), à 50,35 millions de tonnes.

L’importance de ce débouché dépendra de la compétitivité de l’origine américaine mais aussi des potentiels de production en Amérique du Sud. De ce côté, la situation est favorable sur une majeure partie de la zone de production brésilienne. Les semis ont initialement pris du retard mais le retour des pluies a permis d’accélérer les travaux des champs ainsi que de préserver les perspectives de récolte estimées à 166,14 millions de tonnes par la Conab (The National Supply Company) et 169 millions de tonnes selon l’USDA.

Au regard de la correction en cours du prix des huiles végétales à l’échelle mondiale, il sera intéressant de suivre l’évolution de la trituration chez les principaux pays producteurs. Ces derniers cumulent depuis plusieurs mois une consommation de graine historiquement élevée, engendrant par la même occasion la mise sur le marché d’importants volumes de tourteaux.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.

À suivre : escalade des tensions en région mer Noire ; rythme des exportations de céréales en Russie et en Ukraine ; compétitivité des céréales françaises à l’échelle mondiale ; repli de la parité euro/dollar ; évolution de la position des fonds ; évolution des conditions de cultures en nouvelle campagne ; progression des récoltes de l’hémisphère Sud ; rythme des exportations de maïs et soja au départ des États-Unis ; mouvement de correction de l’huile de palme ; suivi des importations de colza en Europe ; conditions de culture du soja au Brésil.