« C’est le retour de la géopolitique, estimait Sébastien Poncelet, analyste spécialiste des céréales chez Argus Media France, ce mercredi 20 novembre 2024. Le marché du blé s’était détendu après l’élection de Trump », qui avait promis de régler en 24 heures le conflit en Ukraine. Il « retrouve depuis vendredi des facteurs de soutien, avec l’escalade des tensions en mer Noire ».
Des cours en hausse sur Euronext et à la Bourse de Chicago
Les pertes de la semaine dernière ont pratiquement été effacées par le rebond des derniers jours : sur Euronext, le blé tendre est passé de moins de 210 euros la tonne il y a une semaine, à 218 euros en clôture mardi soir. Et à la Bourse de Chicago, il a clôturé en hausse à 5,5 dollars le boisseau (environ 25 kilogrammes).
C’est essentiellement la Bourse de Chicago qui donne le ton depuis les résultats de l’élection américaine. Pour Dewey Strickler, analyste à Ag Watch Market Advisors, « le blé est en hausse, car l’administration Biden a autorisé l’utilisation par l’Ukraine de missiles à longue portée en Russie. Cela a agité le marché. »
L’armée ukrainienne a tiré mardi pour la première fois, sur le territoire russe des missiles de longue portée, après le feu vert de Washington. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a promis une réponse « appropriée » à ces tirs, dénonçant l’implication des États-Unis dans ces frappes et y voyant une « nouvelle phase » dans le conflit.
Ce coup de chaud fait craindre une perturbation de l’approvisionnement des céréales en mer Noire et participe donc à la hausse des prix du blé, selon Dewey Strickler.
La géopolitique revient sur le devant de la scène
« Depuis le début de la semaine, (le marché) intègre davantage la géopolitique et les fondamentaux de l’offre et de la demande et moins l’incertitude de la politique commerciale », avec la perspective d’un relèvement des droits de douane liée à l’élection de Donald Trump, relève Michael Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting.
Pour Michael Zuzolo, cette « prime de risque géopolitique » sur le marché du blé « semble compenser très efficacement […] l’état des cultures de blé d’hiver américain », en nette amélioration après les pluies enregistrées dans le Midwest depuis le début du mois.
Selon les chiffres du ministère américain de l’Agriculture (USDA) publiés lundi, 49 % des blés américains sont en « bonne » ou « excellente » condition, contre 48 % l’an dernier à la même époque.
La récolte russe et ukrainienne à surveiller
Sur les marchés mondiaux, « les prix vont probablement connaître de fortes fluctuations », en fonction des volumes de céréales produites en Russie et en Ukraine, estime Jason Roose, de US Commodities. Selon le dernier rapport de l’USDA, la production russe de blé est attendue à 81,5 millions de tonnes pour 2024-2025. Ses exportations atteindraient 48 millions de tonnes, un niveau élevé en dépit d’une baisse prévue de la récolte de plusieurs millions de tonnes.
L’USDA estime la récolte ukrainienne de blé à environ 23 millions de tonnes, mais le ministère ukrainien de l’Agriculture est plus optimiste : il évoque désormais le chiffre de 25 millions de tonnes, notamment du fait d’une hausse des surfaces semées.
Dans un marché du blé qui reste « équilibré », avec une offre suffisante, la grande inconnue sera le volume de la récolte en Australie : « On a des estimations allant de 24 à 34 millions de tonnes », avec des rendements très hétérogènes selon les régions, certaines ayant subi trop de pluie ou du gel, relève Sébastien Poncelet.
Moins sensibles que ceux du blé à cette volatilité accrue, les prix du maïs étaient soutenus par les ventes toujours importantes des États-Unis.
Les cours du soja dans le rouge
En revanche, les prix du soja étaient orientés à la baisse, conséquence d’un temps « plutôt clément en Amérique du Sud », ce qui accroît les chances de bonnes récoltes et pèse donc sur les cours, souligne Dewey Strickler.
La récolte brésilienne promet en effet d’être à nouveau record cette année, l’association brésilienne Abiove tablant sur près de 168 millions de tonnes et l’USDA sur 169 millions de tonnes.