Sur le marché européen, le cours du blé tendre, qui s’échangeait il y a huit jours à 220 euros la tonne, est grimpé à 225 euros vendredi dernier, avant de redescendre autour des 220 euros mercredi. Le blé américain a atteint lundi son plus haut niveau depuis deux mois et frôlé le seuil symbolique des 6 dollars le boisseau (environ 27 kg). Le maïs, quant à lui, est monté au plus haut depuis la fin de juin.

Des stocks européens de blé historiquement bas

Du côté européen, deux éléments expliquent le mouvement de hausse, estime Sébastien Poncelet, analyste chez Argus Media France. D’une part, le regain de tensions géopolitiques en mer Noire avec un tir de missile jeudi dernier sur un vraquier transportant du blé ukrainien à destination de l’Égypte. Et d’autre part, « l’impact psychologique de l’estimation de l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) des stocks de blé européen, sous les 10 millions de tonnes, ce qui est historiquement faible », à la suite de la mauvaise récolte de 2024.

La pression baissière a vite repris le dessus. Car la concurrence du blé russe, toujours moins cher et abondant avec une récolte désormais estimée à près de 83 millions de tonnes par le cabinet spécialisé SovEcon, demeure le principal moteur des prix. Et aussi parce que la circulation des grains n’a pas été interrompue en mer Noire : le navire touché par un missile a pu continuer sa route.

En outre, la tempête Boris qui a frappé l’Europe ces derniers jours, déversant des trombes d’eau de la Roumanie à la République tchèque, n’a pas concerné de zones majeures de production du maïs et du colza, encore sur pied.

Davantage de maïs attendus aux États-Unis

Du côté américain, à la surprise générale, l’USDA a revu en hausse d’un million de tonnes, à 385,7 millions de tonnes, son estimation de récolte de maïs aux États-Unis pour la campagne de 2024-2025 grâce à de meilleurs rendements, selon son rapport mensuel publié jeudi dernier.

Ces nouvelles estimations auraient dû orienter les prix du grain jaune à la baisse, juge Jake Hanley, analyste chez Teucrium Trading. « Donc la seule explication que j’ai à la remontée des cours, c’est qu’il y a eu des prises de bénéfices par des opérateurs spéculatifs » qui avaient parié à la baisse sur les cours du maïs, avance-t-il.

Le marché est « plutôt dirigé par les financiers », abonde Damien Vercambre, de la société Inter-Courtage. Le courtier décrit des « séances hyperpiégeuses » où les mouvements des cours ne permettent pas d’avoir une lecture claire de la gamme des prix qui va prévaloir pendant cette campagne de 2024-2025, trop de facteurs indépendants de la météo et des prévisions de récolte entrant en ligne de compte.

Pour le blé, Rich Nelson, de la maison de courtage Allendale, voit « les cours se stabiliser et remonter durant la seconde moitié de la campagne », soit entre janvier et juin.

Temps sec au Brésil

Les prix du maïs et du soja pourraient être soutenus par des rendements américains potentiellement amoindris par la sécheresse de fin de saison. Toutefois, pour le soja, « il est difficile de prendre le parti de la hausse sachant qu’on approche d’une récolte record (aux États-Unis). Le seul bémol, c’est le temps très sec au Brésil », remarque Jake Hanley.

Cette sécheresse, encore peu préoccupante, pourrait si elle dure affecter les semis de soja au Brésil et ceux du maïs en Argentine, ce qui pourrait « alimenter la volatilité des cours », souligne Sébastien Poncelet. Le temps très sec également constaté en mer Noire pourrait aussi affecter les semis de blé en Russie et en Ukraine, relève-t-il.