La semaine a été riche en informations et en tensions sur les marchés agricoles avec la sortie du dernier rapport de l’USDA. À l’heure où les disponibilités arrivent sur le marché mondial, et notamment en région mer Noire, l’origine française n’est pas compétitive. Le retour aux achats de l’Égypte et de l’Algérie n’est pas suffisant pour compenser le manque d’activité chez les autres importateurs mondiaux. En Europe, les potentiels de production de maïs dans l’est du Vieux Continent seront à suivre à court terme, tout comme les flux d’import de colza et de tourteaux de soja.

Blé : nouvelle correction des cours

Le marché du blé a une nouvelle fois corrigé cette semaine, en baisse hebdomadaire de 12 €/t pour revenir à 206 €/t en base juillet rendu Rouen. Les prix du blé retrouvent ainsi leur plus bas depuis 3 mois. La fin des récoltes en France permet d’ajuster les estimations de production chez les principaux exportateurs de l’hémisphère nord. Les pertes de rendement de l’ordre de 25 % en France s’ajoutent à une baisse des surfaces d’environ 11 % par rapport à l’an passé. La production française de blé tendre passe de 35 millions de tonnes en 2023 à 25,2 millions de tonnes cette année selon Argus Media. Pour autant, cette récolte française catastrophique n’est pas suffisante pour relancer les cours.

Les disponibilités du côté de la région mer Noire arrivent sur le marché à des prix plus compétitifs. Dans son rapport mensuel du début de la semaine, l’USDA a rehaussé la production ukrainienne de blé de 2,1 millions de tonnes à 21,6 millions de tonnes. Les exportations s’accélèrent, également revues en hausse de 0,7 million de tonnes à 7,4 millions de tonnes pour la campagne 2024-2025. La production russe est maintenue à 83 millions de tonnes, offrant des disponibilités importantes dans cette région du monde à l’heure où l’activité export se dynamise.

Du côté de la demande, l’Égypte a lancé pour la première fois un appel d’offres avec des périodes de chargements étalées sur 6 mois jusqu’en avril 2025 et un volume maximum de 3,8 millions de tonnes. Si de nombreuses questions se sont posées au sujet de cet appel d’offres, le Gasc a finalement acheté 280 000 tonnes de blé d’origine russe et bulgare. Des négociations seraient en cours pour l’achat direct de blé russe, sans le passage par le système habituel d’appel d’offres.

Maïs : des bilans confortables aux États-Unis

Le marché du maïs évolue au sein d’un complexe céréalier actuellement déprimé. Les cours du maïs s’affichent en baisse de 8 €/t sur la semaine pour revenir en dessous de la zone psychologique des 200 €/t, à 193 €/t en base juillet rendu Bordeaux. Cette semaine a été marquée par la publication du rapport mensuel de l’USDA en début de semaine. Les conditions de culture restent très bonnes aux États-Unis et 67 % des surfaces sont notées en bonnes ou excellentes conditions.

L’USDA en a profité pour afficher un rendement record de 11,49 t/ha. Dans le même temps, les surfaces ont été ajustées en légère baisse et la production de maïs américain est estimée à 385 millions de tonnes, se rapprochant du record de 390 millions de tonnes de l’an passé. Cela s’ajoute à des stocks de report importants et les disponibilités américaines de maïs s’annoncent confortables sur la nouvelle campagne. Ces volumes pourraient tout de même être nécessaires compte tenu de la dégradation des potentiels de production dans l’est de l’Europe.

L’USDA a revu en baisse son estimation de la production au sein de l’Union Européenne de 3,5 millions de tonnes à 60,5 millions de tonnes, mais également en Ukraine (-0,5 millions de tonnes) ou en Serbie (-0,9 millions de tonnes). Si d’autres ajustements sont attendus tout au long de la campagne, la progression des récoltes sera à suivre à travers l’hémisphère nord.

Enfin, du côté de la France, les pluies régulières de l’été ont été favorables pour le développement des cultures et 76 % des surfaces sont jugées en bonnes ou excellentes conditions. La production française est pour le moment attendue à 14 millions de tonnes selon Agreste, contre 12,92 millions de tonnes l’an passé et en hausse de 5.4 % par rapport à la moyenne quinquennale.

Colza : Des incertitudes sur l’approvisionnement de graines en Europe

La tendance baissière en place depuis le début du mois de juillet sur le marché des huiles végétales fait pression sur le prix des graines oléagineuses. La nouvelle publication de l’organisme malaisien Malaysian palm oil board (MPOB) présente une nette augmentation de la production de palme au cours du mois de juillet, en grande partie contrebalancée par une accélération des exportations. Cette dynamique malaisienne est à mettre au crédit du gain de compétitivité du palme acquis face au pétrole et aux autres biocarburants.

L’huile de soja américaine suit la même dynamique du point de vue de la production et de la consommation. L’Association nationale des transformateurs d’oléagineux (NOPA) aux États-Unis souligne dans son rapport mensuel une transformation record de graines pour un mois de juillet de 183 millions de boisseaux. En parallèle, les stocks d’huile fondent sur leur niveau le plus bas depuis décembre 2023.

Ces situations pour le palme et le soja font donc pression sur les prix de l’huile de colza et de tournesol qui se replient sous les 950 €/t Fob Rotterdam. Outre ces éléments, la tension sur les disponibilités de graine reste bel et bien présente en Europe. De plus, les sources d’approvisionnement européennes extérieures au continent présentent toutes, pour des raisons différentes, des incertitudes.

L’Ukraine pour commencer est une nouvelle fois menacée au niveau du port d’Odessa par les attaques russes. Le Canada voit le début de sa récolte se rapprocher parfois même plus rapidement que prévu en raison du temps sec et des températures élevées des dernières semaines. Enfin, la route est encore longue en Australie. Ainsi, la volatilité est forte sur la graine de colza européenne qui s’affiche à 463 €/t Fob Moselle.

Soja : Vers une production record aux États-Unis

Les perspectives de production de graines de soja élevées aux États-Unis font pression sur le prix des tourteaux américains et européens. Dans sa publication mensuelle d’août 2024, le ministère américain de l’Agriculture (USDA) a intégré les très bonnes conditions de culture en remontant aussi bien son estimation de surfaces que de rendements du soja aux États-Unis. Le rendement annoncé atteint 53,2 boisseaux/acre soit une hausse de 2,3 % par rapport à la précédente publication de l’office américain en juillet.

Ainsi, la récolte américaine de soja pourrait atteindre un record historique de 124,9 millions de tonnes. D’un point de vue bilan aux États-Unis, ces perspectives permettraient aux stocks de fin de campagne de rebondir à 15,25 millions de tonnes, leur niveau le plus haut des six dernières années. Bilan, la baisse des cours s’accélère pour la graine de soja américain en nouvelle récolte, de retour au plus bas depuis septembre 2020.

Mécaniquement, les tourteaux accompagnent cette dynamique, également aidés par la hausse de la parité entre l’euro et le dollar, qui favorise les achats en Europe. Le tourteau de soja délivré Montoir sur son contrat Spot casse son support des 400 €/t et évolue désormais à 387 €/t soit son niveau le plus bas depuis octobre 2020.

Si les indicateurs concernant la future récolte de soja aux États-Unis convergent, que ce soit du côté des notations de cultures ou des indices de végétation, les opérateurs surveilleront la semaine prochaine les résultats du Pro Farmer crop tour à travers les plaines américaines.

À suivre : avancée des récoltes dans l’hémisphère nord, évolution de la demande de blé chez les principaux importateurs, résultat du ProFarmer Tour aux États-Unis, dynamique export aux États-Unis, situation géopolitique et macroéconomique