Des stocks de reports français au plus haut depuis 19 ans

Le blé meunier rendu Rouen casse le seuil psychologique des 200 €/t pour la première fois depuis juillet 2021, revenant à 195 €/t après avoir cédé 5 €/t sur la semaine écoulée. L’Égypte profite de ce repli pour revenir aux achats. Ce sont d’ailleurs près de 2 millions de tonnes de blés qui ont été proposées au GASC, symbole des stocks conséquents à sortir en Europe et en région mer Noire.

L’Égypte a finalement acheté 120 000 tonnes de blé ukrainien et 60 000 tonnes de blé roumain. Cette fois, l’origine russe se démarque par son absence, en manque de compétitivité par rapport aux offres ukrainiennes. Cela oblige les exportateurs russes à se montrer plus agressifs, avec un prix désormais en dessous de 220 $/t FOB, au plus bas depuis septembre 2020.

De son côté, le blé français manque toujours de compétitivité vis-à-vis de ces origines et est dans l’obligation de suivre la tendance baissière. Les stocks de report hexagonaux s’alourdissent. D’ailleurs, en revoyant à la baisse les exportations vers l’Union Européenne, FranceAgriMer a rehaussé les stocks de fin de la campagne en cours à 3,50 millions de tonnes, contre 2,6 millions de tonnes l’an passé au plus haut depuis 19 ans.

Dans le même temps, les regards se portent sur la prochaine récolte. En France, Agreste abaisse son estimation de surface de blé tendre à 4,36 Mha contre 4,49 Mha en décembre. Le surplus de précipitations pendant les semis entraîne le repli de -7,7 % des surfaces sur un an. Autre conséquence, la part des surfaces en bonnes ou excellentes conditions chute à 68 %, contre 93 % l’an passé à la même date.

Enfin, du côté des États-uniens, le Département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) a publié hier son premier bilan pour la campagne 2024-2025. L’office américain projette des stocks de report 2024/2025 à 20,9 millions de tonnes, au-dessus des attentes et en hausse de 3 millions de tonnes sur un an, alimentant cette tendance baissière des cours.

Des stocks français au plus haut depuis 11 ans

Le repli de l’ensemble du complexe céréalier n’échappe pas au marché de l’orge, qui s’affiche désormais à 176 €/t en base juillet rendu Rouen, au plus bas depuis le mois d’octobre 2020. Les disponibilités fourragères sont importantes en France et en Europe, entre les volumes de maïs et les importations de blé fourrager en provenance d’Ukraine.

L’orge fourragère peine à se faire une place au sein du complexe et la consommation en alimentation animale continue de se replier. Face à cela, l’activité export est fortement réduite pour l’origine française. Le principal débouché, la Chine, est absent en raison des festivités du nouvel an. De plus, l’amélioration des relations entre la Chine et l’Australie exclut la France de toute forme de compétitivité. FranceAgriMer a logiquement revu en hausse les stocks de fin de campagne à 2,11 millions de tonnes, au plus haut depuis 2011.

Les regards se tournent vers la nouvelle campagne. Agreste a revu cette semaine les surfaces des cultures d’hiver suite aux intempéries de l’automne. La sole d’orge d’hiver est estimée à 1,27 million d’hectares, contre 1,36 million d’hectares l’an passé. Les conditions de cultures seront à suivre mais l’orge de printemps aura une carte à jouer au printemps pour remplacer les pertes de surfaces de blé et d’orge.

Les semis ont commencé en France à hauteur de 20 % mais les pluies attendues en France et en Europe dans les 2 prochaines semaines seront à suivre. Pour l’heure, les perspectives de hausse des disponibilités sur la nouvelle campagne font pression sur le prix de l’orge brassicole, qui revient à 267 €/t en base juillet FOB Creil, en forte baisse de -28 €/t depuis un mois.

Le colza tente de résister à la pression baissière

Le prix du colza rebondit à 421 €/t FOB Moselle, en hausse de 9 €/t sur la semaine, résistant tant bien que mal à l’influence baissière des céréales. Cette relative fermeté vise à soutenir la marge d’importation pour sécuriser les disponibilités des triturateurs européens en seconde partie de campagne. Pour autant, le potentiel de hausse semble limité, au vu du regain de compétitivité des canolas canadien et australien, pénalisés par le repli des cours du complexe soja.

Dans le même temps, l’huile de colza FOB Rotterdam reprend +5 €/t à 861 €/t sur la semaine écoulée. Les différentes huiles végétales trouvent du soutien du côté de la fermeté de l’huile de palme. Le Malaysian Palm Oil Board (MPOB) a dressé un état des lieux des bilans en Malaisie, avec un repli de la production et des stocks d’huile de palme. Ces derniers chutent plus qu’attendu à 2 millions de tonnes en janvier, contre 2,3 millions de tonnes en décembre. De plus, les importations européennes sont encore ralenties par les tensions en mer Rouge, rendant difficile le passage par le canal de Suez. Par ailleurs, face à un trafic international incertain, le prix du baril de pétrole reste soutenu.

À l’échelle locale, Agreste a publié hier ses nouvelles estimations de surfaces d’hiver semées en France pour la récolte 2024. Malgré la révision en baisse des surfaces de blé et d’orge, les semis de colza sont plus précoces et n’ont pas été perturbés par les pluies de l’automne. Les estimations de surfaces s’affichent à 1,336 million d’hectares, stables par rapport aux 1,344 million d’hectares de l’an passé.

Les récoltes s’accélèrent au Brésil

Les prix des tourteaux de soja ont retrouvé de la stabilité la semaine dernière, autour de 480 €/t en spot délivré Montoir, mais la situation reste fragile. À l’échelle mondiale, les disponibilités restent confortables aux États-Unis. La National Oilseed Processors Association (NOPA), association des triturateurs américains, a publié l’activité du mois de janvier, avec 5,1 millions de tonnes de graines écrasées, contre 4,87 millions de tonnes habituellement à cette période de l’année.

Dans le même temps, les exportations de soja américain continuent de ralentir, en manque de compétitivité. Les stocks de report de soja s’annoncent cette année confortables et l’USDA a publié une première vision des surfaces pour 2024. L’étude du ratio soja/maïs est encore favorable au soja et les surfaces pourraient rebondir, passant de 33,8 millions d’hectares en 2023 à 35,4 millions d’hectares en 2024, offrant de bonnes perspectives de production en nouvelle campagne. Le début des semis sera à suivre mais l’Amérique du Sud est également au centre des attentions. Les récoltes progressent au Brésil, avec 51,5 % des surfaces récoltées dans le Mato Grosso. La production brésilienne est encore source d’incertitude mais elle devrait s’établir autour de 150 millions de tonnes.

En Argentine, le retour des pluies rassure les opérateurs. Les conditions de cultures ont fortement chuté suite à l’épisode de sécheresse du dernier mois mais se stabilisent à 31 % des surfaces en bonnes ou excellentes conditions. Les récoltes sud-américaines s’annoncent tout de même au-dessus de 200 millions de tonnes. Ces disponibilités faciliteront les approvisionnements en Europe, à l’heure où l’activité de trituration reste dynamique sur le Vieux continent.

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