Le prix du riz dans le monde a augmenté de 9,8 % en août sur un mois et a atteint son plus haut niveau depuis quinze ans, a annoncé l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) le 8 septembre 2023. Mais qu’en est-il vraiment pour le marché du riz français et les producteurs nationaux ? L’économiste Patricio Mendez del Villar, du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) basé à Montpellier, répond à La France Agricole.

Ce niveau élevé serait la conséquence directe de l’interdiction des exportations de riz blanc indica non-basmati mise en place par l’Inde en juillet 2023. Pour rappel, le pays avait déjà stoppé les exportations de brisures de riz et imposé une taxe de 20 % sur les exportations de riz de qualité supérieure en septembre 2022. À cela, s’ajoute l’apparition d’une nouvelle taxe sur le riz étuvé depuis la fin d'août.

Comment le marché français est-il affecté ?

Les marchés européen et français sont impactés, mais très à la marge. Étant donné que les importateurs asiatiques doivent se tourner vers d’autres catégories de riz, non concernées par cette interdiction (riz étuvés, riz basmati…), cela engendre une demande supplémentaire sur ces types de riz présents sur le marché français.

Cela reste quand même marginal par rapport au contexte international, car les restrictions d’exportation concernent des catégories de riz qui arrivent beaucoup moins en Europe et en France. Le riz basmati indien n’est pas majoritaire en France. L’Hexagone achète essentiellement du riz au Pakistan pour deux raisons : les systèmes de culture sont moins intensifs (moins de risques de résidus de pesticide) et les prix sont plus attractifs.

Aussi, la hausse des prix du riz en France peut s’expliquer par les prix à la production assez élevés dans le contexte inflationniste en Europe. Ces derniers contribuent en partie à la hausse des prix du riz à la consommation.

Que va-t-il arriver aux riziculteurs français ?

La France ne produit qu’en Camargue et est très déficitaire en riz. Au total, la production française ne couvre que 15 % de la consommation nationale. Le riz camarguais occupe des segments de marché de niche et toute la production est vendue. Ce n’est pas parce qu’il y a ces limitations au niveau mondial qu’il s’agit d’une aubaine pour les producteurs camarguais.

De même, les prix élevés au niveau mondial n’entraîneront pas une augmentation significative des surfaces rizicoles en Camargue en 2024. De plus, on ne fait qu’une seule récolte par an en France, contrairement aux pays asiatiques qui opèrent jusqu’à trois récoltes par an. Les producteurs asiatiques ont l’opportunité d’être plus réactifs par rapport aux cours mondiaux tandis que les Français doivent attendre jusqu’au mois d’avril pour semer.

Quelles évolutions sont à prévoir ?

Les prix mondiaux commencent à se tasser depuis la fin d'août ou le début de septembre. Les pays importateurs diffèrent leurs achats de riz. Leurs gouvernements instaurent également des prix plafonds à la consommation pour protéger les populations.

Cela se répercute dans les négociations commerciales avec les pays exportateurs et des prix à la baisse. On entre aussi dans une période de récolte et un afflux d’offre d’exportation va avoir lieu. Traditionnellement, les cours mondiaux ont tendance à baisser pendant le dernier trimestre de l’année.

Il y a aussi des incertitudes vis-à-vis de la durée et les modalités des mesures prises par l’Inde ; des exceptions peuvent être mises en œuvre. En fait, cet arrêt des exportations est essentiellement politique à l’approche des élections indiennes (avril 2024) et la posture du gouvernement indien ne peut pas être totalement anticipée.