Cette semaine, les prix du blé se sont stabilisés, tiraillés entre récoltes décevantes dans une partie de l’Europe et une demande qui souffre toujours de l’inflation. La publication par le département du ministère américain à l’Agriculture (USDA) vendredi dernier des surfaces semées au printemps a fait chuter les prix du maïs, mais rebondir ceux du soja, et du colza par ricochet.

Le marché du blé est suspendu aux chantiers de récolte

Les prix du blé se sont consolidés sur la semaine, se stabilisant à 226,5 €/t pour le rendu Rouen (base : juillet) et 227,5 €/t pour le rendu La Pallice. Le marché est dans l’attente d’informations sur les rendements constatés, alors que les chantiers de récolte sont en cours. Selon FranceAgriMer, 13 % des surfaces de blé tendre étaient moissonnées au 3 juillet en France.

Les premiers retours font état de rendements hétérogènes, parfois décevants. Néanmoins, à ce stade il est encore trop tôt pour se prononcer sur le rendement final et la production française pourrait atteindre un niveau correct par rapport à celle de ses voisins européens. Arvalis attend un rendement national de 7,5 t/ha, correspondant à une production convenable de 35,8 millions de tonnes.

Le constat est plus mitigé ailleurs en Europe avec des rendements en dessous des attentes en Bulgarie, et moyens en Europe centrale. Ce sont surtout les poids spécifiques qui posent un problème. La qualité devrait représenter un enjeu important cette année.

En Russie, la récolte est également en cours, avec là aussi des déceptions même si le pays devait engranger près de 85 millions de tonnes, un niveau légèrement au-dessus de la moyenne des cinq dernières années. Au Canada, les conditions de croissance des blés continuent de se dégrader à cause du manque de pluie, et les perspectives de récolte ne sont pas franchement bonnes aux États-Unis.

Finalement, le marché évolue sur fond de perspectives de récolte mitigée, de stocks importants en Russie, et d’une demande mondiale à la peine, qui souffre toujours du contexte inflationniste. Le marché est également dans l’attente du renouvellement ou non du corridor maritime ukrainien le 18 juillet prochain. Les chances qu’il soit renouvelé s’amenuisent.

Néanmoins, son renouvellement ne constitue pas un enjeu aussi important que par le passé. Des voies d’exportation alternatives se sont développées, notamment par le train et via le Danube. En outre, le niveau de récolte de l’Ukraine, en forte baisse depuis deux ans, devient un facteur tout aussi limitant pour les exportations que l’est sa logistique. Il n’en demeure pas moins que l’avenir du corridor maritime est à suivre de près.

Le niveau des surfaces aux États-Unis fait pression sur les prix du maïs

Les prix du maïs ont baissé sur la semaine. Le maïs Fob Bordeaux s’affaisse à 219 €/t (base : juillet), soit une baisse de 6 €/t tandis que le Fob Rhin perd 5 €/t, à 226 €/t. Les prix français ont suivi les prix américains. En effet, le maïs US Fob Gulf a dévissé de près de 23 $/t, pour atteindre 225 $/t à la fin de cette semaine.

Cette baisse fait suite à la publication par l’USDA d’une surface de 94,1 millions d’acres, un niveau nettement au-dessus des attentes du marché. Cette surface vient compenser des perspectives de rendement moins réjouissantes. Selon l’USDA, seulement 51 % des surfaces sont rapportées en bon à excellent état. Il faut remonter à 2012 pour retrouver des notations aussi basses.

Néanmoins, les conditions de croissance des maïs américains s’améliorent actuellement grâce au retour des pluies. En Europe, elles sont mitigées. Le temps chaud et relativement sec prévu dans les jours à venir sur une large bande centrale de l’Europe fait craindre des pertes de potentiel de rendement. Pour le moment, c’est en France que les conditions apparaissent les meilleures sans pour autant être idéales.

En Amérique du Sud, la récolte de la safrinha continue et s’avère satisfaisante. Les maïs brésiliens devraient approvisionner le marché mondial sur les mois d’été. Tout comme en blé, une demande mondiale timorée affecte le marché du maïs et contrebalance les alertes sur les niveaux de récolte attendus à l’automne dans l’hémisphère Nord.

Le temps sec au Canada et les prix du soja tirent ceux du colza à la hausse

Alors que les récoltes ont démarré en Europe et en mer Noire, les prix du colza ont de nouveau progressé sur la semaine. Les colzas rendu Rouen et Fob Moselle ont progressé de 9 €/t entre le 29 juin et le 6 juillet. Les premiers retours en France indiquent un rendement décevant par rapport aux attentes.

De plus, l’arrivée de nouvelles disponibilités sur le marché a été contrecarrée par l’impact de la hausse des prix du soja pendant la semaine. En effet, dans sa publication du 30 juin, l’USDA a fortement revu à la baisse son estimation de la surface semée en soja au printemps 2023, ce qui a entraîné une hausse de l’ensemble du complexe oléagineux jusqu’au milieu de la semaine.

La surface américaine est désormais évaluée en recul de 5 % par rapport à la campagne précédente, le temps sec des mois de mai et juin ayant vraisemblablement favorisé les semis de maïs, réalisés de manière plus précoce. La baisse du coût des intrants par rapport à l’an dernier pourrait aussi avoir dopé les intentions de semis des agriculteurs américains pour la céréale aux dépens de la fève.

Par ailleurs, le temps sec a persisté ces derniers jours dans une grande partie des régions de production de canola au Canada. Les zones ayant bénéficié de précipitations n’ont pas enregistré de cumuls importants, ce qui a tout juste permis à l’état des canolas de se stabiliser. Le temps sec accélère le développement des cultures, et des pluies sont nécessaires pour que le potentiel ne soit pas affecté davantage.

En Australie, la situation est mitigée, mais plus favorable, avec des cumuls de pluies depuis le début de juin qui s’approchent de la normale, voire la dépasse. Ainsi, l’effet de El Niño sur la météo australienne n’est jusqu’ici pas aussi intense que cela avait envisagé par les prévisionnistes.

En plus du soutien du soja, le prix du colza a aussi été influencé par une remontée du prix du pétrole de presque 3 % en une semaine, et du cours des huiles végétales. En effet, l’Arabie Saoudite a annoncé lundi qu’elle reconduirait en août la diminution de sa production d’un million de barils par jour, mise en œuvre en juillet.

Parallèlement, la Russie s’est engagée à réduire ses exportations de brut de 500 000 barils par jour. Les prix des huiles de colza et de tournesol ont plus fortement progressé que ceux de leurs concurrentes, ces huiles bénéficiant d’une bonne demande des acheteurs dans un contexte de craintes pour les disponibilités, alimentées par la possibilité de l’arrêt du corridor maritime ukrainien au-delà du 17 juillet.

En effet, le pessimisme est de mise à ce sujet. Toutefois, un arrêt du corridor pourrait certes ralentir les exportations d’huile de tournesol, de tournesol et de colza de l’Ukraine, mais, comme pour les céréales, cela ne marquerait pas pour autant un coup d’arrêt aux flux de matières agricoles. Des canaux d’exportation alternatifs pourront être utilisés, et pourraient même voir leur capacité grossir au cours de la campagne de commercialisation de 2023-2024.

Le tourteau de soja remonte

À Montoir, les prix pour une livraison sur le rapproché sont en progression de 17 €/t sur la semaine et s’établissent à 480 €/t le 6 juillet. Le tourteau français est soutenu par les prix mondiaux du tourteau de soja, eux-mêmes entraînés à la hausse par le soja. À la Bourse de Chicago, le cours du soja a progressé de presque 16/t sur le rapproché en une semaine et de 27 $/t sur l’échéance de novembre 2023.

Cela découle de l’importante révision à la baisse des surfaces américaines de soja et de la forte dégradation de l’état des cultures tout au long du mois de juin, entérinée par une nouvelle baisse de la proportion des champs jugés comme bons à excellents à seulement 50 % le 2 juillet, un niveau historiquement bas. En conséquence, le tourteau de soja a lui augmenté de 6 $/t sur le rapproché à Chicago et de 12,25 $/t sur l’échéance d’octobre.

Toutefois, un retour des pluies est annoncé sur les prochains jours dans une grande partie du Midwest américain, ce qui a entraîné un repli des prix des sojas et du tourteau au cours de la session du vendredi 7 juillet sur le marché à terme américain. Cela pourrait entraîner à la baisse les prix des tourteaux français au début de la semaine prochaine.

A suivre : récoltes en cours, météo en Amérique du Nord, en Europe et mer Noire (céréales, colza, soja), négociations autour du corridor maritime, production d’huile de palme en Asie du Sud-Est, conjoncture économique mondiale (croissance, inflation), prix du pétrole, parité euro/dollar.