« Les fromages sous AOP et IGP sont les grands oubliés des mesures ministérielles déjà annoncées », insiste le communiqué du Conseil national des appellations d’origine laitières (Cnaol) publié le 16 avril 2020. Si le confinement des Français joue en faveur des produits laitiers dits de « première nécessité », comme le lait conditionné, le beurre et les yaourts, les fromages traditionnels souffrent de la mutation des modes de consommation.

 

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Des ventes en chute libre

En l’espace d’un mois, les ventes ont chuté de 60 % sur les filières AOP et IGP. « On s’approche de 100 % dans certaines PME et chez les producteurs fermiers, qui n’ont pas la possibilité de réorienter leurs fabrications », explique Michel Lacoste, le président du Cnaol, à La France Agricole.

 

Pour accompagner ce repli des fabrications, les producteurs sont appelés à contenir leur production, jusqu’à 20 % en Savoie. Mais ces efforts ne permettent pas de gommer les excédents. « Une partie du lait est réorientée vers le marché Spot, passé de 300 €/1 000 litres à moins de 150 €/1 000 litres en quelques semaines. C’est encore moins que la valorisation beurre-poudre », déplore le président du Cnaol. Une autre partie du lait, collectée temporairement par des opérateurs partenaires comme c’est le cas en Auvergne, se retrouve dans le circuit conventionnel.

 

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Les filières s’organisent

Au niveau régional, les initiatives se multiplient pour favoriser les circuits commerciaux locaux (drive, plateforme en ligne). En parallèle, la modification de six cahiers des charges a déjà été actée afin « d’adapter les conditions de fabrication du produit aux évolutions induites par le confinement et de favoriser leur stockage », indique le communiqué du Cnaol.

 

An niveau national, la nouvelle campagne « Fromagissons », lancé par l’interprofession laitière (Cniel) et relayée par le Cnaol, invite les consommateurs à « retrouver leurs habitudes alimentaires d’avant la crise. » Pour Thierry Roquefeuil, le président du Cniel, « la grande distribution se montre volontaire. Le consommateur peut régler une grande partie du problème. »

« Manque de réactivité » des autorités

Le 30 mars, le Cnaol a proposé au ministère de l’Agriculture un plan de sauvetage en trois étapes :

    Le déblocage de fonds en urgence pour compenser le manque à gagner des ventes et dons vers des circuits moins rémunérateurs, comme les Ehpad, les hôpitaux et les associations. « Il faut à tout prix éviter de jeter le lait des producteurs », affirme Michel Lacoste. Malgré les efforts déployés, dix organismes de défense et de gestion (ODG) ont déjà déclaré avoir jeté des produits finis, notamment dans la filière caprine et des fromages à pâte molle. Le danger plane également sur les fromages à pâte pressée non cuite.Sur le court terme, le comité attend également la mise à disposition d’une enveloppe pour compenser les pertes des producteurs, a minima sur les mois de mars et d’avril. « Le plan d’urgence du Cniel, visant à écrêter le pic de production de 2 à 5 %, est une problématique générale, une première étape. Le lait sous appellation, qui pèse pour 15 % des volumes, est un cas particulier car les baisses attendues de volume et de prix sont beaucoup plus importantes. Certains producteurs auront 100 % de leur lait payé en prix spot en avril », précise le président du Cnaol.Après la crise, l’heure sera à la reconquête des marchés et des consommateurs.

 

Quinze jours après ce cri d’alerte, aucune réponse n’a été apportée par le ministère. « Il est incompréhensible de voir les contraintes administratives couper court au bon sens paysan. Il y a urgence ! », insiste Michel Lacoste.