L'histoire

Pour donner congé à son bailleur, la lettre recommandée n’est pas toujours suffisante. Paul l’aura appris à ses dépens. Exploitant un ensemble de parcelles où il y faisait paître des chevaux, Paul avait pris à bail un appartement situé au cœur du village et dont Anne était propriétaire. Ayant décidé de faire l’acquisition d’une maison plus proche de l’exploitation, Paul avait donné congé à Anne par lettre recommandée avec accusé de réception le 17 avril 2020 pour le 31 juillet de la même année. Mais la lettre recommandée était revenue avec la mention : « pli avisé et non réclamé ».

Le contentieux

Anne avait alors assigné Paul devant le tribunal judiciaire en paiement du loyer et des charges au titre du mois d’août et des réparations locatives. Paul, qui avait quitté l’appartement le 31 juillet, en était-il redevable ? La réponse à cette question se trouvait dans les effets de la mention « pli avisé et non réclamé » figurant sur la lettre recommandée retournée à son expéditeur.

Pour sa défense Paul s’était référé à l’article 15, I de la loi du 6 juillet 1989 sur les baux d’habitation, qui dispose que le délai de préavis applicable au congé court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée. Dans le cas de Paul, dans la mesure où le préposé de la poste avait mentionné sur l’enveloppe qu’Anne avait été avisée, mais n’avait pas réclamé la lettre, ne convenait-il pas d’en déduire que la délivrance de ce congé était régulière ?

Mais Anne ne l’entendait pas ainsi : elle avait invoqué une jurisprudence bien établie. Il avait été jugé que selon l’article 670 du nouveau code de procédure civile, la notification est réputée faite lorsque l’avis de réception de la lettre recommandée est signé par son destinataire. Le congé du 17 avril 2020 n’était donc pas régulier et le loyer du mois d’août devait être réglé. Le tribunal et la cour d’appel avaient pourtant rejeté la demande d’Anne : Paul avait donné congé par lettre recommandée postée le 17 avril 2020 et revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé » de sorte que le congé avait été régulièrement donné.

Cette solution ne pouvait être validée : saisie par Anne, la haute juridiction l’a censurée en rappelant le principe : le délai de préavis applicable au congé court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l’acte d’huissier ou de la remise en mains propres. Aussi, dès lors qu’ils avaient constaté que la lettre recommandée lui notifiant congé n’avait pas été reçue par Anne, les juges auraient dû en tirer les conséquences, en déclarant le congé irrégulièrement délivré. Ce qu’ils n’ont pas fait.

L'épilogue

Devant la cour de renvoi, Anne pourra faire invalider le congé délivré par Paul et obtenir le paiement du loyer et des charges du mois d’août. Dès le retour de la lettre non réclamée, Paul aurait dû signifier le congé par acte délivré par un huissier de justice dans la mesure où le délai de trois mois n’était pas expiré.