L’histoire
Pierre était membre de droit de l’association de chasse de sa commune (Acca). Il pratiquait régulièrement cette activité avec ses voisins agriculteurs. À la suite d’un différend l’ayant opposé au président de l’association ainsi qu’à son garde-chasse, le conseil d’administration de l’Acca, par lettre du 3 juin 2018 avait demandé au préfet de suspendre temporairement le droit de chasse de Pierre sur son territoire.
Ce que le préfet fit en prenant un arrêté le 17 juin 2018 en suspendant son droit jusqu’au 30 juin 2020. Mais par un jugement du 17 janvier 2019, le tribunal administratif avait annulé cette décision en retenant un défaut d’impartialité, car une animosité personnelle opposait le président de l’instance disciplinaire de l’association et Pierre.
Le contentieux
Pierre ne pouvait admettre d’avoir ainsi été privé, irrégulièrement, pendant deux ans de son droit de chasser. Aussi avait-il assigné l’association et son président devant le tribunal judiciaire afin qu’ils soient condamnés, solidairement, à lui verser une indemnité à titre de dommages-intérêts.
Pierre avait fondé sa demande sur l’article 1241 du code civil (ancien article 1382). Selon ce texte, chacun est responsable du dommage qu’il a causé par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Pour Pierre, c’était bien la décision de l’association et de son président qui avait provoqué la mesure de suspension de son droit de chasser, laquelle avait été annulée par le tribunal administratif. Aussi, en menant une procédure disciplinaire irrégulière, le conseil d’administration de l’association avait bien commis une faute en lien direct de causalité avec le préjudice subi.
« Il ne pouvait admettre d’avoir été privé pendant deux ans de son droit de chasser »
Mais l’Acca avait botté en touche. Le juge judiciaire n’était pas compétent pour se prononcer sur la demande de Pierre. Pour elle, la décision d’une association de chasse agréée, de demander au préfet de prononcer la sanction de la suspension du droit de chasser à l’encontre de l’un de ses membres, découle de ses prérogatives liées à la mission de service public qui lui est confiée. Aussi, l’action en responsabilité de Pierre qui tendait à obtenir la réparation d’un préjudice résultant de cette décision, relevait-elle de la seule compétence de la juridiction administrative.
Pourtant, le tribunal n’avait pas été convaincu. Le litige relevait des relations privées entre l’Acca et l’un de ses membres et de la gestion interne de l’association. Et la mesure prise par le conseil d’administration de l’association n’avait requis la mise en œuvre d’aucune prérogative de puissance publique. Aussi, l’exception d’incompétence devait-elle être écartée. Le juge judiciaire avait alors condamné l’association à payer un euro symbolique à Pierre au titre de son préjudice moral. Cette solution a pourtant été censurée par la Cour de cassation.
L’épilogue
Pierre s’était trompé de juge. Il lui restera s’il entend poursuivre son action indemnitaire, à saisir, cette fois le tribunal administratif.