L’histoire. Catherine était propriétaire d’une villa avec jardin, reçue par héritage alors qu’elle vivait à l’étranger. Ce n’est qu’après plusieurs années que, venue habiter son bien, elle s’est aperçue que le titulaire d’une parcelle voisine avait occupé une partie de son terrain et y avait causé des troubles en y implantant deux clôtures et trente-quatre arbres. Elle a donc assigné son voisin sous qualification de troubles de voisinage, mais elle a été déboutée devant la cour d’appel. N’aurait-il pas été plus simple et plus efficace de commencer par délimiter les propriétés ?
Le contentieux. Le procès a été engagé par Catherine d’une manière maladroite : il aurait d’abord fallu préciser juridiquement les limites entre les deux propriétés avant de voir si les troubles incriminés – la clôture et la haie de lauriers – se trouvaient chez elle ou chez l’adversaire. Et la manière la plus simple eut été le bornage judiciaire, qui aurait donné les limites exactes. Or Catherine a procédé par affirmation, soutenant que la clôture installée devait être supprimée. Et la cour d’appel, qui était saisie d’une demande de suppression de la clôture fondée exclusivement sur l’existence d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, n’avait pas à statuer sur une éventuelle atteinte au droit de propriété. Catherine ne put obtenir satisfaction. Aucun texte de loi jusque-là n’avait été utilisé et il lui vint l’idée de faire état de l’article 673 du code civil. Que dit-il ? « Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent. Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative. Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible. »
En bref, le propriétaire d’un ou de plusieurs arbres dont les branches surplombent la propriété voisine doit les supprimer et la Cour de cassation, il y a quelques années, a confirmé le caractère imprescriptible de l’action dérivant de cet article. Sur ce problème, c’était bien les arbres du voisin qui étaient concernés. Par ces motifs, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel, mais seulement en ce qu’il avait débouté Catherine de sa demande de suppression des lauriers.
L’épilogue. En l’état actuel, la Cour de cassation est amenée à juger du droit. Mais n’examine-t-elle pas le droit en s’appuyant uniquement sur le fait ? Les plaideurs sont d’ailleurs amenés à prendre la Cour de cassation pour une troisième juridiction. La seconde chambre civile de la Cour suprême a statué, et à lire le présent arrêt, c’est un débat sur des questions de fait qui s’est déroulé, comme aurait très bien su juger la cour d’appel et même le tribunal. Cet arrêt donnera des regrets à la chambre des requêtes qui filtrait les pourvois formulés.