L’HISTOIRE. Certaines négligences de procédure peuvent avoir de lourdes conséquences.

Le Gaec Saint-Yves, constitué entre Alexis et son fils Titouan, exploitait dans le cadre d’un bail verbal un ensemble de parcelles à vocation herbagère. À la Saint-Joseph de l’année 2013, Alexis avait appris que Malo, le propriétaire, sans même l’en informer, avait vendu les parcelles à Jean. Ce dernier souhaitait depuis longtemps s’agrandir. Ainsi menacé de recevoir rapidement un congé et d’être contraint d’abandonner la jouissance de ses herbages, le Gaec avait assigné Jean et Malo en annulation de la vente, consentie en fraude de son droit de préemption.

LE CONTENTIEUX. Le Gaec était convaincu de son bon droit. Pour ses associés, la procédure était régulière puisque la demande avait été formée par une assignation délivrée par un huissier de justice. De plus, la vente avait été conclue au mépris de son droit de préemption, ce qui la rendait nulle en application de l’article L. 412-12 du code rural.

Malo, qui connaissait bien la procédure applicable en matière de baux ruraux, avait, devant le tribunal paritaire, soulevé une fin de non-recevoir. Elle paraissait imparable. La demande n’avait pas été publiée au bureau des hypothèques, contrairement à la prescription des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière. Elle était dès lors irrecevable. Il est vrai que selon ces textes, les demandes d’annulation de droits résultant d’un acte de vente immobilière ne sont recevables que si elles ont été elles-mêmes publiées, ou s’il est justifié de cette publication par un certificat du service chargé de la publicité foncière.

Le conseil du Gaec, conscient de son erreur, avait alors fait valoir que le droit d’accès au juge ne pouvait se voir apporter des limitations procédurales qui ne soient pas strictement nécessaires à la bonne administration de la justice. La sanction, prononcée de manière automatique, à raison du défaut d’une formalité procédurale, portait une atteinte excessive au droit d’accès au juge.

Pourtant, ni le tribunal, ni la cour d’appel n’ont été convaincus. L’obligation de publier une assignation en nullité de vente immobilière dans les registres chargés de la publicité foncière, ne porte pas atteinte à la substance même du droit d’accès au juge. Elle poursuit le but légitime d’informer les tiers et d’assurer la sécurité des mutations immobilières. Or en l’espèce, la demande du Gaec n’avait pas été publiée. Elle était donc bien irrecevable comme l’a confirmé la Cour de cassation.

L’ÉPILOGUE. Parce qu’il avait été mal renseigné, le Gaec Saint-Yves avait perdu la chance de pouvoir acquérir les herbages nécessaires au pacage de son troupeau de vaches laitières. Tout au plus, en cas de congé, pourra-t-il rechercher la responsabilité de son conseil en lui reprochant d’avoir ignoré que toute demande d’annulation d’une vente portant sur un immeuble conclue en méconnaissance du droit de préemption du fermier, doit, à peine d’irrecevabilité, être publiée au bureau des hypothèques.