L’histoire
Paul avait consenti à Yves un bail à long terme portant sur un petit domaine viticole. Le bail précisait que le fermage était calculé sur la base de 10 hl de vin AOC par hectare, dont le prix de référence était fixé chaque année par arrêté préfectoral. Yves avait régulièrement payé son fermage en calculant le montant sur la base du prix de l’hectolitre de vin arrêté lors de la conclusion du bail. Ayant constaté, après plusieurs années, que le prix fixé par l’arrêté préfectoral avait baissé, Yves avait saisi le tribunal paritaire en restitution du trop-versé.
Le contentieux
Yves avait fondé sa demande sur les dispositions de l’article R. 411-5 du code rural : « Pour les cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles et agrumicoles, le montant en espèces du fermage est calculé selon le cours moyen, d’échéance à échéance, des denrées servant au calcul du prix du fermage. Le cours moyen est arrêté par le préfet du département. » Or, depuis la conclusion du bail, Yves avait payé le fermage sur la base du prix de référence de l’hectolitre de vin fixé par l’arrêté préfectoral en vigueur lors de la signature du contrat, alors que chaque année le cours du vin avait baissé. Son action en restitution du fermage trop perçu était fondée selon lui.
Mais Paul ne pouvait accepter cette réclamation et avait invoqué des arguments pertinents. D’une part, sous couvert d’une action en répétition d’un indu, la société preneuse avait exercé une action en révision du fermage, largement prescrite, faute de l’avoir engagée au cours de la troisième année de jouissance. D’autre part, en acceptant, pendant plusieurs années de payer le fermage sur la base du prix du vin arrêté lors de la conclusion du bail, la société avait souhaité conserver le prix initial, ce qui valait renonciation à toute réclamation.
Les juges n’avaient pas pour autant suivi le raisonnement de Paul. La demande d’Yves était fondée sur l’application irrégulière des dispositions du bail. En effet, les parties n’avaient pas respecté le prix de référence de l’hectolitre de vin fixé chaque année, tel que prévu par les dispositions contractuelles. Son action en répétition de l’indu, résultant du trop-perçu en raison du non-respect des dispositions du bail, était parfaitement justifiée. Paul devait être condamné à restituer le montant des fermages trop versés par Yves, assorti des intérêts. Devant la Cour de cassation, Paul avait à nouveau invoqué la volonté du preneur de conserver le prix initial. Mais son recours a été rejeté, car il était établi que les paiements encaissés depuis la conclusion du bail n’étaient pas conformes au prix de référence fixé par le préfet.
L’épilogue
Ce litige révèle les difficultés qui persistent dans les conditions de détermination et de paiement du fermage lorsque le bail porte sur des cultures pérennes, viticoles, oléicoles ou arboricoles notamment. En pareille circonstance, les parties peuvent déterminer le fermage en se référant à des denrées dont les quantités et le prix sont définis par des arrêtés préfectoraux, susceptibles de modification au cours de bail.