L’HISTOIRE. On le sait, les agriculteurs ne peuvent exploiter leurs biens que sous la surveillance du contrôle des structures. La Commission départementale d’orientation agricole (CDOA) donne son avis et le préfet décide. Il en va notamment ainsi lorsque le propriétaire bailleur reprend les biens loués pour les exploiter lui-même ou pour les transmettre à un descendant.

Dans notre affaire, Élodie avait délivré congé à Jean des terres qu’il avait prises à bail, en vue d’une reprise au profit de sa fille, associée de l’EARL familiale. La société avait sollicité une autorisation d’exploiter, mais trois mois plus tard la direction départementale des territoires lui avait répondu que, selon la CDOA, la demande était sans objet, les parcelles concernées étant occupées.

Jean, qui espérait pouvoir demeurer sur l’exploitation jusqu’à l’âge de la retraite, avait quant à lui contesté le congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux.

LE CONTENTIEUX. Un débat juridique s’était alors ouvert devant les juges. Jean avait fait valoir que l’EARL, qui devait justifier d’une autorisation d’exploiter à la date d’effet du congé, ne l’avait pas obtenue. En effet, la lettre adressée par la direction départementale à la société précisait clairement que « la CDOA a examiné la demande d’autorisation et décidé que le dossier était sans objet car les biens dont la reprise était envisagée n’étaient pas libres de location ». Pour lui, il s’agissait bien d’un refus d’autorisation, de sorte que le congé ne pouvait être validé.

Mais Élodie avait invoqué l’article R. 331-6-III du code rural disposant « qu’à défaut de notification d’une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d’enregistrement du dossier, l’autorisation est réputée accordée ». Aussi, la lettre de l’administration adressée à la société, qui évoquait seulement l’avis de la CDOA, ne valait pas décision de refus d’autorisation, de sorte que l’absence de réponse du préfet dans le délai de quatre mois valait autorisation tacite.

Pour les juges, il n’y avait pas d’hésitation. L’autorisation tacite supposait une absence totale de réponse à la demande d’autorisation dans les quatre mois de l’enregistrement de la demande. Or le courrier de l’administration évoquait bien l’avis de la CDOA, mais demandait également à la société de renouveler sa demande une fois les biens libres. Il s’agissait bien d’un refus en l’état, excluant toute autorisation tacite.

Mais la Cour de cassation, saisie par Élodie, en a décidé autrement. Les juges auraient dû rechercher si la lettre adressée par l’administration équivalait à la notification d’un refus d’autorisation émanant du préfet. En effet, seul ce dernier est l’autorité compétente pour prendre une décision d’autorisation d’exploiter. Aussi, l’avis de la CDOA notifié par l’administration ne pouvait faire obstacle à l’autorisation tacite. La censure de la cour d’appel s’imposait.

L’ÉPILOGUE. Devant la cour de renvoi, Élodie pourra se prévaloir d’une autorisation tacite pour exercer la reprise. Mais cette affaire illustre bien, une fois encore, les difficultés rencontrées par l’imbrication, dans les règles du statut du fermage, du dispositif trop contraignant relatif au contrôle des structures. Le temps n’est-il pas venu d’y remettre un peu de souplesse ?