L’HISTOIRE. Les querelles liées à la mitoyenneté continuent à occuper les prétoires. Le litige opposant Jean à son voisin, Pierre, en constitue une belle illustration. Pour accueillir ses enfants, Jean avait agrandi le dernier étage de son pavillon et fait procéder à une modification de la toiture et du chéneau d’évacuation des eaux pluviales. Pierre avait cependant considéré que ces travaux n’étaient pas conformes au permis de construire et surplombaient le mur mitoyen. Aussi, avait-il demandé à Jean de démolir la partie des ouvrages édifiée, sans son accord, au-dessus du mur mitoyen. Mais celui-ci ne souhaitait pas renoncer à son projet d’agrandissement.

LE CONTENTIEUX . Pierre avait donc assigné son voisin devant le tribunal de grande instance en démolition du bris de toiture et du chéneau qui surplombaient le sommet du mur mitoyen et empiétaient sur son fonds. N’avait-il pas le droit pour lui ? Un syndicat de propriétaires ruraux, qu’il avait consulté, lui avait lu l’article 658 du code civil : « Tout copropriétaire peut faire exhausser le mur mitoyen ». Au surplus, l’article 662 du même code précise que « l’un des voisins ne peut appuyer sur le mur mitoyen aucun ouvrage sans le consentement de l’autre ».

Aussi, pour Pierre, les aménagements de la toiture réalisés, sans son accord, portaient atteinte à son droit d’exhaussement du mur mitoyen, ce qui justifiait largement leur démolition, indépendamment de la question de l’empiétement. Mais Jean avait produit des plans des ouvrages qui indiquaient que le bris de toiture, habillé en zinc, et le chéneau d’évacuation des eaux pluviales ne prenaient pas appui sur le mur mitoyen mais le surplombaient. Et il avait versé aux débats des photographies montrant que ces aménagements dépassaient la limite séparative seulement sur 20 mm, sur une longueur de 1,50 m. Il n’en résultait donc aucune gêne justifiant le réaménagement de la toiture.

Le tribunal, comme la cour d’appel, s’est montré conciliant : il résultait des documents produits par Jean que le bris de toiture et le chéneau étaient autoportants et ne prenaient pas appui sur le mur ; aussi ne faisaient-ils pas obstacle au droit d’exhaussement ouvert à Pierre par l’article 658 du code civil, et il n’y avait pas de raison d’en ordonner la démolition intégrale. En revanche, les juges ont considéré que les ouvrages réalisaient, en surplomb, un empiétement, même limité, contraire à l’article 545 du code civil selon lequel « nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique ». Il convenait alors d’en ordonner le retrait jusqu’à la ligne divisoire de propriété, située au milieu du mur mitoyen.

Ce n’était pas pour plaire à Pierre qui souhaitait un nouvel agencement de la toiture de Jean. Aussi avait-il porté ce jugement de Salomon devant la Cour de cassation. Mais celle-ci n’a rien eu à rapprocher à la solution des juges du fond.

L’ÉPILOGUE. On peut s’interroger sur les raisons profondes de Pierre qui l’ont conduit à poursuivre une aussi longue procédure… Tout cela pour obtenir la réparation en nature du prétendu préjudice résulté pour lui d’une emprise sur son fonds de 15 cm² seulement. Mais lorsque le droit de propriété en est en jeu, la passion ne l’emporte-t-elle pas sur la raison ?