L’histoire. Propriétaire d’un joli mas au pied du Mont Ventoux, Pierre avait obtenu un permis de construire pour la réalisation d’une annexe comportant une pergola et un abri de voiture, avec toiture-terrasse. Son voisin, Jean, avait rapidement constaté que cette construction allait être à l’origine d’une diminution de luminosité et de l’ensoleillement d’une partie de son terrain. Il avait donc saisi le tribunal administratif d’un recours contre le permis de construire, qui l’avait annulé en raison d’une méconnaissance du règlement du plan d’occupation des sols. Mais le préjudice n’avait pas pour autant disparu : la perte d’ensoleillement était toujours là.

LE contentieux. Jean avait consulté le syndicat de la propriété rurale qui lui avait conseillé de poursuivre la démolition de la construction devant le tribunal de grande instance, sur le fondement de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme. À l’époque du litige, ce texte précisait que « lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le tribunal de l’ordre judiciaire peut condamner le propriétaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme, si préalablement le permis a été annulé par la juridiction administrative ». Aussi, devant le tribunal, Jean s’était-il prévalu, à l’appui de sa demande en démolition, de l’annulation du permis de construire prononcée par le juge administratif, en raison d’une méconnaissance des dispositions d’urbanisme. Et il avait produit des photos qui ne laissaient aucun doute sur le préjudice engendré par l’ombre de la construction. Le tribunal avait accueilli la demande en retenant que l’annexe édifiée par Pierre entraînait une vue dominante et directe sur le fonds de Jean et des nuisances sonores créées par le garage. La cour d’appel avait confirmé le jugement : le permis de construire avait été annulé par le juge administratif et la violation de la règle d’urbanisme était à l’origine du préjudice.

Mais Pierre ne pouvait baisser les bras et accepter de démolir son annexe, si utile pour son mas. Son avocat à la Cour de cassation lui avait indiqué que la loi Macron du 6 août 2015 avait modifié l’article L. 480-13 du code l’urbanisme : désormais, l’action en démolition, à la suite de l’annulation du permis de construire, était limitée aux seules constructions réalisées dans une zone protégée. Or, le mas de Pierre n’était pas situé dans une telle zone. C’est ce qu’il avait fait valoir à l’appui de son pourvoi. La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel : la loi nouvelle s’appliquait immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entrait en vigueur, même lorsque la situation faisait l’objet d’une d’instance judiciaire. La démolition n’était donc plus possible !

L’épilogue. Jean devra se rendre à l’évidence : la cour de renvoi écartera la demande de démolition de l’annexe de Pierre. Il lui faudra alors supporter les vues directes et la perte d’ensoleillement. Tout au plus pourra-t-il solliciter quelques dommages-intérêts, à titre de lot de consolation.