L’histoire
Mener une exploitation agricole dans un cadre sociétaire peut réserver bien des surprises ! Charles, qui mettait en valeur un ensemble de parcelles situées à quelques kilomètres de Colmar, avait décidé de s’associer avec deux amis, Max et Anne, au sein d’un groupement agricole d’exploitation en commun, le Gaec des Cigognes. Après dix années d’activité florissante, des divergences de vues étaient apparues dans la gestion du Gaec.
Le contentieux
Charles avait alors assigné Max et Anne devant le tribunal judiciaire en vue d’être autorisé à se retirer du Gaec, et en liquidation de ses droits sociaux.
Le juge avait dressé un procès-verbal de conciliation, constatant que les parties s’accordaient sur le principe du retrait de Charles, ainsi que sur les modalités de la séparation, prévoyant notamment le paiement d’une soulte à son égard. Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, Charles avait alors réitéré son assignation, afin d’obtenir le paiement d’une somme de 215 000 euros au titre du solde de son compte courant d’associé. Sa demande était-elle justifiée ? Selon l’article 1869 du code civil, applicable en l’espèce, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société dans les conditions prévues par les statuts ou à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice.
L’associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux fixée, à défaut d’accord amiable, par un expert. Aussi, Charles, qui avait été autorisé à se retirer du Gaec, était-il en droit de demander le remboursement de son compte courant d’associé, dont le montant était substantiel.
Max et Anne ne l’entendaient pas ainsi : le procès-verbal de conciliation constatait que les associés s’étaient accordés sur le principe du retrait de Charles et sur les modalités de la séparation. Cet accord avait bien, selon eux, la valeur d’une transaction qui comportait nécessairement une renonciation de Charles à agir à nouveau contre le groupement et ses associés.
Les juges leur avaient donné raison. La transaction qui portait sur les conséquences du retrait et sur la liquidation des droits des parties ne comportait aucune réserve. Aussi, en renonçant à toute action liée à son retrait, Charles avait, par ce fait, renoncé à agir à l’encontre du Gaec en remboursement de son compte courant d’associé selon les juges. Saisie par Charles, la Cour de cassation a confirmé l’irrecevabilité de sa demande.
L’épilogue
Charles devra se contenter de la somme arrêtée par le procès-verbal transactionnel. De ce litige, on retiendra que l’on n’est jamais assez prudent ni suffisamment précis lorsqu’il s’agit de régler les conséquences du droit de retrait d’un associé. Une meilleure rédaction du procès-verbal de conciliation, comportant une clause claire et non équivoque relative au sort de son compte courant d’associé, aurait peut-être permis de mettre fin au différend.