L’HISTOIRE. Joseph avait acquis, par acte authentique reçu par Maître Dupont, notaire, une jolie maison avec jardin, qui donnait sur une cour par un passage commun. Il avait souhaité se raccorder au réseau téléphonique pour se connecter à internet. Mais le branchement de la ligne de téléphone sur le réseau impliquait de traverser le passage commun et de rejoindre la cour, qu’il croyait indivise. Joseph s’est alors heurté au refus d’une voisine, propriétaire de l’immeuble mitoyen qui revendiquait la propriété exclusive et privative de cette cour. A l’évidence, le notaire l’avait mal éclairé sur la portée de son titre de propriété, dont les termes étaient imprécis.

LE CONTENTIEUX. Pour Joseph, le préjudice était réel : faute de pouvoir accéder à la cour pour installer le branchement, il avait dû réaliser des travaux plus compliqués et plus onéreux. Devait-il se retourner contre sa voisine ? Impossible : elle justifiait de son droit privatif sur la cour, même si l’installation envisagée ne lui causait aucune gêne. Aussi Joseph a-t-il demandé au tribunal de grande instance de condamner le notaire à réparer ses préjudices financier et moral engendrés par l’imprécision de son titre. Il avait invoqué l’article 1382 du code civil (codifié désormais à l’article 1240) et fait valoir que le notaire, qui est tenu professionnellement d’éclairer les parties et de s’assurer de l’efficacité des actes qu’il instrumente, n’avait pas satisfait à son devoir d’information et de conseil à son égard. En effet, l’expression « passage commun » et la désignation de la cour figurant dans l’acte de vente ne permettaient pas de savoir s’il pouvait jouir d’un droit de propriété indivis ou d’une simple tolérance de passage sur les biens en cause.

Mais, pour le tribunal, Joseph n’avait pas été induit en erreur sur l’étendue de ses droits réels, tant sur la cour que sur le passage permettant d’y accéder. En effet, la référence au caractère commun du passage exprimait seulement que d’autres parcelles bénéficiaient du même droit. Aussi, le notaire n’était pas responsable de la méprise de Joseph sur l’étendue de ses droits. La cour d’appel s’était ralliée à cette solution. Joseph s’est pourvu en cassation. La haute juridiction a censuré l’arrêt en retenant que les termes de « passage commun » pouvaient désigner un chemin indivis, une servitude de passage ou une simple tolérance ; ils étaient donc ambigus et engendraient une incertitude. Aussi, le notaire avait bien commis une faute professionnelle car il aurait dû lever cette incertitude en vérifiant par tous moyens le régime juridique du passage et l’exacte propriété de son assiette, et en faire mention dans l’acte.

L’ÉPILOGUE.La cour de renvoi devra tirer les conséquences de ce manquement du notaire à son devoir d’information et de conseil. Lorsqu’il rédige un acte, celui-ci ne doit pas se borner à reproduire les termes figurant dans un titre de propriété antérieur : il doit vérifier, par toutes investigations utiles, l’étendue et la teneur des droits réels dont il assure l’authentification à l’occasion d’une vente.