L’histoire. Qu’elles étaient belles ces parcelles, si bien placées ! Jean les lorgnait depuis longtemps. Aussi, lorsqu’il apprit qu’elles étaient à louer, il ne s’était pas montré trop regardant sur la clause du bail qui fixait le loyer à un niveau élevé. Son voisin lui avait bien dit qu’il louait trop cher, au regard de la valeur locative fixée par l’arrêté préfectoral. Mais n’était-ce pas le prix à payer pour d’aussi belles terres ? Cependant, après avoir payé pendant des années le fermage sur la base de la clause du bail, Jean s’est décidé à en demander l’annulation devant le tribunal paritaire.

Le contentieux. Le fermier s’était renseigné auprès de son syndicat : on lui avait dit que si le loyer était fixé en dehors des règles posées par l’article L. 411-11 du code rural, le preneur pouvait intenter une action en régularisation pour fermage illicite, fondée sur l’ordre public visé à l’article L. 411-14. Il pouvait ainsi agir en régularisation du contrat et faire juger la nullité de la clause du bail fixant le fermage sur des bases erronées, avec effet rétroactif. Sous réserve, cependant, que l’action ne soit pas prescrite. Cela tombait bien, puisqu’à défaut d’agir en nullité de la clause, Jean n’aurait pu obtenir la révision du fermage trop élevé, en application de l’article L. 411-13 du code rural, qu’au cours de la troisième année de jouissance, largement dépassée en l’espèce. Mais la clause insérée dans le bail de Jean, qui fixait le prix de la location sur la base d’une somme d’argent très supérieure à celle résultant de l’arrêté préfectoral, était-elle illicite ? Infirmant le jugement qui avait répondu par la négative, la cour d’appel a accueilli la demande en nullité du prix du fermage, en retenant que celui fixé par les parties était systématiquement supérieur au montant maximum prévu par l’arrêté préfectoral.

L’action engagée par Jean était bien une action en nullité du fermage fondée sur l’illicéité de la clause fixant le prix du bail, et non une action en révision du prix du fermage relevant de l’article L. 411-13. L’hésitation entre les deux actions était-elle permise ? La Cour de cassation ne l’a pas cru, et a censuré la cour d’appel en rappelant que « lorsque le preneur a contracté à un prix supérieur d’au moins un dixième de la valeur locative fixée par arrêté préfectoral, seule l’action en révision du prix, qui doit être introduite au cours de la troisième année de jouissance, lui est ouverte ». En l’espèce, le fermage fixé dans le bail était seulement excessif et non pas illicite, puisqu’il était bien fixé en monnaie. Aussi, Jean ne disposait que de l’action en révision de prix qui aurait dû être introduite au cours de la troisième année de jouissance.

L’épilogue. Engagée plus de dix années après la conclusion du bail, la demande de révision était bien tardive et irrecevable, ce que la Cour de renvoi ne manquera pas de confirmer. Jean devra donc attendre le renouvellement du bail pour fixer avec son bailleur le prix du fermage du bail renouvelé sur la base réglementaire.