L’HISTOIRE. Quand ils ont découvert le domaine du château d’Angèle, Marc et Marie ont immédiatement eu un coup de cœur : le vignoble était idéalement situé sur des coteaux bien exposés. Aussi, n’ont-ils pas hésité à prendre à bail à ferme les parcelles plantées en vignes et les bâtiments d’habitation, qu’ils ont mis à la disposition d’une EARL.

Après plusieurs années d’entente entre les parties, les propriétaires qui s’étaient, toutefois, réservés dans le bail l’usage et la jouissance d’une partie du château et des dépendances, ont reproché aux fermiers de manquer à leurs obligations en empêchant la location du parc et en faisant obstacle à leur droit de passage. Il fallait que les preneurs quittent le domaine.

LE CONTENTIEUX. Les bailleurs ont saisi le tribunal paritaire en résiliation du bail : leur avocat, spécialisé dans les montages sociétaires, les avait persuadés du bien-fondé de leur demande. Ils avaient appris, en effet, que Marc n’était pas associé dans l’EARL et consacrait une partie de son temps à la commercialisation des vins produits sur le domaine. Il s’agissait d’une infraction à l’article L 411-37 du code rural, qui dispose que le preneur est tenu d’exploiter personnellement les parcelles données à bail, et doit être associé de la société bénéficiant de la mise à disposition. La résiliation du bail était bien encourue.

Pourtant, les juges n’ont pas suivi les bailleurs sur ce terrain. Il est vrai, les preneurs s’étaient souvenus que la Cour de cassation avait, dans le passé (arrêt du 3 mai 2011), admis qu’en pareille situation, la résiliation du bail ne pouvait être prononcée en l’absence de préjudice causé au bailleur. Ce qui, en l’espèce, n’était pas établi, puisque les vignes étaient bien entretenues. Aussi, pour rejeter la demande de résiliation, les juges ont-ils retenu qu’il n’était en rien établi que Marc, copreneur, eût négligé de participer à l’exploitation dans son domaine de compétence, soit la commercialisation du vin.

Refusant de faire preuve de mansuétude à l’égard de cette situation qui, pourtant, était bien sans conséquence pour la poursuite du bail, en l’absence de préjudice causé aux bailleurs, la Cour de cassation, saisie par ces derniers, a censuré la cour d’appel.

Puisqu’il résultait de ses constations que Marc n’était pas associé de l’EARL, à la disposition de laquelle les terres prises à bail avaient été mises, la cour d’appel aurait dû en déduire qu’il ne participait pas de manière effective et permanente à l’exploitation du fonds. Aussi, faute de l’avoir fait, elle a violé l’article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime.

L’ÉPILOGUE. La solution apparaît sévère : le seul fait de ne pas être associé de la société à la disposition de laquelle sont mis les biens loués, ne saurait constituer une présomption d’absence de participation effective et permanente à leur mise en valeur. En réalité, il faut bien comprendre que le statut du fermage privilégie le caractère intuitu personae du bail rural, et prohibe toute cession à la société en obligeant le preneur, seul titulaire du bail, à demeurer associé. C’est bien ce qu’a voulu dire, ici, la Cour de cassation.