L’HISTOIRE. Quand le droit de l’urbanisme interfère avec le statut du fermage, il devient difficile de s’y retrouver. Pierre avait donné à bail à long terme à Jean des parcelles situées à l’entrée du village. Installé pour au moins dix-huit ans, Jean ne pouvait imaginer que, cinq années plus tard, Pierre lui notifierait une résiliation partielle du bail à l’égard d’une parcelle située dans une zone constructible de la carte communale. L’acte de résiliation visait l’article L. 411-32 du code rural et un changement de destination de la parcelle. Jean ne pouvait accepter d’être privé d’une si belle parcelle. Aussi a-t-il saisi le tribunal paritaire en annulation de l’acte de résiliation.

 

LE CONTENTIEUX. Le contentieux s’est développé autour du texte qui ouvre au bailleur la faculté de résilier le bail lorsqu’il envisage de changer la destination agricole des terres louées, autrement dit lorsqu’il envisage de les urbaniser. La résiliation est de plein droit lorsque la parcelle concernée est située en zone urbaine en application d’un plan local d’urbanisme (PLU) ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu. Mais elle est soumise à autorisation du préfet lorsqu’il n’existe pas de PLU ou, s’il en existe un, lorsque la parcelle est située en dehors d’une zone urbaine. Pour Pierre, il n’y avait aucun doute : la parcelle concernée était située dans la zone constructible, à vocation d’habitat, de la carte communale. Même si la commune ne s’était pas encore dotée d’un PLU, la carte communale constituait bien « un document d’urbanisme en tenant lieu ». En outre, puisqu’elle était destinée à accueillir un lotissement, la parcelle se trouvait bien « en zone urbaine ».

Jean s’était pourtant renseigné auprès de la préfecture : d’une part, une carte communale ne pouvait en aucun cas tenir lieu de « plan local d’urbanisme » au sens de l’article L 411-32 ; d’autre part, une zone urbaine doit être desservie par des réseaux, ce qui n’est pas le cas d’une zone constructible. Aussi, Jean pouvait s’opposer à la résiliation partielle de son bail. Les juges se sont donc prononcés sur la situation de la parcelle objet de la résiliation : ils ont jugé qu’elle n’était pas située dans une zone urbaine, car elle n’était pas viabilisée ni desservie par les réseaux, bien qu’elle fût destinée à accueillir un futur lotissement. L’acte de résiliation devait donc être annulé pour défaut d’autorisation du préfet. Devant la Cour de cassation, Pierre avait soutenu que la carte communale était bien un document d’urbanisme, qui contenait des règles propres sur la constructibilité des terrains. Mais en vain : une carte communale ne pouvait être assimilée à un document d’urbanisme tenant lieu de PLU. La résiliation n’était donc pas possible.

 

L’ÉPILOGUE. Pour résilier le bail en vue d’un changement de destination de la parcelle, Pierre devra attendre que la commune adopte un PLU et aménage sa desserte avec des équipements publics. La Cour de cassation a donc choisi de protéger la stabilité de l’exploitation plutôt que le droit de propriété. Mais n’est-ce pas la vocation du statut du fermage ?