L’histoire. Dans cette affaire, la Cour de cassation a dû s’impliquer dans la définition du contrat à durée déterminée (CDD). Ouvrier agricole, Jean-Baptiste était employé comme saisonnier, avec un renouvellement annuel de son contrat. Cette situation a duré quatre ans, jusqu’à ce que Jean-Baptiste subisse une grave maladie pulmonaire, très vraisemblablement due au fait que tout son travail s’exécutait à l’extérieur. Il a alors formulé une demande de transformation de son CDD en contrat à durée indéterminée (CDI) car il ne pouvait plus subir les intempéries propres à son emploi saisonnier. Aussitôt, la société a formulé une demande de licenciement, sans cause précise.

 

Le contentieux. C’est tout un bloc de contentieux qui se profilait. Le patron a refusé de transformer le contrat en durée indéterminée. Cette transformation était pourtant nécessaire et justifiée par l’état de santé de son ouvrier… Aucune faute professionnelle ne pouvait justifier la rupture mais le choix était clair : ou Jean-Baptiste acceptait de poursuivre le contrat à durée déterminée ou il était congédié. En conséquence, le chômage se profilait.

Qu’a dit la cour d’appel ? Elle a suivi la position de l’employeur en refusant de passer à un contrat à durée indéterminée. Pour ce faire, elle a souligné que le caractère même de la société (vente de plants et soumission aux aléas climatiques) justifiait la saisonnalité des contrats. Il en résultait que Jean-Baptiste pouvait être congédié par non-renouvellement de son CDD. Un pourvoi a été formulé et la Cour suprême a adopté une position contraire. Selon elle, « en se déterminant ainsi sans vérifier si le salarié avait été affecté à l’accomplissement de tâches à caractère strictement saisonnier et non durable, appelées à se répéter chaque année à une époque voisine, en fonction du rythme des saisons, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ». C’est donc à tort que le patron avait refusé la transformation.

Il est remarquable de voir les juges analyser le travail du salarié pour décider si la fonction exercée mérite d’être déclarée à durée indéterminée ou non. Le problème se pose souvent car le travail qu’on se propose d’attribuer au candidat à l’emploi est parfois mal précisé. Supposons que le patron délivre son congé en refusant toute indemnité, il pourrait motiver le licenciement par le refus de la transformation du contrat, à condition que l’ouvrier embauché à l’origine n’ait à s’occuper que d’une seule besogne. La taille de la vigne par exemple.

 

L’épilogue. Le rôle des juges en droit du travail est très délicat et c’est essentiellement cette transformation du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée qui est à l’ordre du jour dans les milieux politiques. On y laisse entendre que, quelle que soit la nature du travail, le problème de la rupture serait le même, à tort ou à raison. Si une telle loi est votée, faudra-t-il qu’elle précise qu’il n’y a plus de différence entre déterminée ou indéterminée ?