L’histoire
Philippe avait fait l’acquisition d’une maison avec des dépendances située sur le territoire de la commune de Veyrier-du-Lac, connue pour ses ressources touristiques. Elle ouvrait sur la rue par un portillon étroit permettant un passage piétonnier ou à bicyclette. Dans un bâtiment situé à l’arrière de la maison, Philippe avait installé le bureau et l’atelier de son exploitation agricole. Mais son accès ne pouvait se faire que par un passage étroit sur le terrain d’Yves, son voisin, qu’il lui avait accordé de manière occasionnelle et à titre de tolérance. Cet accès étant insuffisant pour la bonne exploitation de son bureau et de son atelier, Philippe avait assigné Yves devant le tribunal judiciaire en reconnaissance d’un droit de passage.
Le contentieux
Le droit n’était-il pas en faveur de Philippe ? L’article 682 du code civil est clair. Le propriétaire d’un fonds enclavé, qui n’a sur la voie publique aucune issue ou une issue insuffisante pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour en assurer la desserte complète. La jurisprudence considère que ce droit, pour le propriétaire d’une parcelle enclavée, est fonction de l’utilisation normale du fonds quelle qu’en soit la destination. Il en va ainsi d’un immeuble exigeant le passage d’une automobile, compte tenu des conditions actuelles de la vie. Or, pour Philippe, la situation d’enclave ne faisait aucun doute. L’accès en véhicule à l’arrière de sa maison était rendu indispensable pour l’utilisation de l’atelier, nécessitant le transport d’objets lourds.
Yves ne l’entendait pas ainsi. La maison de Philippe était bien accessible depuis la voie publique par une entrée piétonne. Quant aux voitures, le maire en avait limité l’usage, de manière modérée, pour tenir compte des contraintes touristiques de la commune.
Les juges avaient été convaincus. La maison de Philippe disposait d’une entrée qui donnait directement sur la voie publique. L’accès en voiture par l’arrière-cour n’avait été admis qu’à titre de simple tolérance et n’était revendiqué que par souci de commodité ou de convenance personnelle, selon eux. Aussi, la parcelle de Philippe n’était pas enclavée. Mais devant la Cour de cassation, saisie par Philippe, l’argument retenu par la cour d’appel s’est effondré. Les juges auraient dû s’expliquer sur l’insuffisance de l’issue sur la voie publique et la nécessité d’un accès en véhicule automobile eu égard à l’usage normal du fonds de Philippe, comprenant un atelier.
L’épilogue
Au vu des documents versés aux débats et des photographies, la cour de renvoi ne pourra que constater la nécessité de permettre l’accès à l’atelier de Philippe par un passage aménagé de manière suffisante sur le chemin appartenant à Yves. Tout au plus, ce dernier pourra-t-il réclamer une indemnité proportionnée au dommage occasionné.