L’histoire
La faculté accordée au preneur de solliciter la conversion du métayage en fermage, au bout de huit années de location, n’est pas sans conséquences pour le propriétaire. Paul, gérant du GFA familial, propriétaire de parcelles plantées en vignes situées dans l’aire d’appellation « Bourgogne village », les avait données à bail à métayage à Julie, à effet du 11 novembre 1994. Le contrat prévoyait que le partage de la récolte se ferait en vin, par moitié. Vingt ans plus tard, Julie avait notifié au GFA une demande de conversion du bail à métayage en bail à ferme, restée sans réponse.
Le contentieux
Julie avait alors saisi le tribunal paritaire des baux ruraux afin qu’il ordonne la conversion et fixe le fermage pour les années à venir. Sa demande paraissait fondée. En effet, l’article L. 417-11 du code rural permet au preneur d’exiger, discrétionnairement, au bout de huit années de location, la conversion du métayage en fermage. Lorsqu’il est saisi d’une telle demande, le tribunal n’a pas à apprécier les intérêts en présence. Il doit seulement fixer le montant du fermage du bail à ferme. Julie étant liée au GFA de Paul par le contrat de métayage depuis plus de vingt ans, sa demande de conversion ne pouvait lui être refusée.
Mais Paul, conseillé par le syndicat de la propriété privée rurale, avait invoqué une série d’arguments juridiques pertinents. D’une part, la conversion portait atteinte au libre exercice d’une activité professionnelle protégé par l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme, car elle faisait perdre au GFA sa qualité d’exploitant agricole. D’autre part, la demande de Julie entraînerait une perte annuelle d’environ 13 000 €, résultant de la différence entre le prix du fermage et les bénéfices provenant de la vente du vin des raisins revenant au groupement, et sans qu’il soit prévu une indemnisation.
Mais les juges n’avaient pas été sensibles à cet argumentaire. Pour eux, la conversion du bail à métayage devait être ordonnée. Elle était fondée sur l’objectif d’intérêt général tendant à privilégier la mise en valeur directe des terres agricoles, et de donner à l’exploitant la pleine responsabilité de la conduite de son exploitation. Et le fait que le paiement d’un fermage peut apporter au bailleur des ressources moindres n’était pas de nature à affecter la demande de conversion.
La Cour de cassation, saisie par Paul, a pourtant censuré cette motivation. La conversion du métayage en fermage privait le GFA de la perception en nature des fruits des parcelles louées et était dépourvue de tout système effectif d’indemnisation. Les juges auraient dû rechercher, concrètement selon elle, si l’opération ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit du GFA au respect de ses biens.
L’épilogue
La cour de renvoi devra se prononcer sur le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et la protection du droit au respect des biens du bailleur. Elle devra apprécier si le but de la conversion du métayage en fermage justifie la forte diminution du revenu du propriétaire, et la suppression de tout ou partie de son activité professionnelle, sans une juste et préalable indemnité.