L’histoire.A la lecture d’un précédent arrêt, nous étions amenés à constater que la Cour de cassation apportait des solutions de fait. En ce 8 septembre 2016, c’est une solution très juridique qui a été apportée en matière de servitude. Jules avait divisé un terrain lui appartenant en deux lots : n° 1 et n° 2. En même temps, il avait institué une servitude de passage sur le premier lot au profit du second pour permettre l’accès à la voie publique. Après la mise en vente des terres, l’acquéreur du lot n° 2 et ses ayants droit pouvaient continuer à bénéficier de la servitude. Par la suite, le lot n° 1 a été divisé en plusieurs parcelles, dont une acquise par les propriétaires du n° 2. Or il y a une solution prévue par le code civil pour faire disparaître une servitude : lorsque le fonds à qui elle est due, et celui qui la doit, sont réunis dans la même main (article 705 du code civil).
Le contentieux.Les ayants droit du lot n° 2 allaient-ils être privés de la servitude ? En défense, ils se sont portés à dire qu’une servitude de passage est un droit réel assurant la libre circulation sur la parcelle. En conséquence, la mutation de propriété ne pouvait pas éteindre la servitude. Nous arrivons au point juridique : l’article 705 du code civil dispose que si le terrain bénéficiaire de la servitude est racheté, cette servitude disparaît. Mais comment la servitude a-t-elle été acquise ? Pour que le code civil puisse jouer, il fallait encore démontrer qu’elle ait été juridiquement acquise, c’est-à-dire établie par un acte notarié. Et s’il y avait constitution d’un droit réel opposable aux tiers, il fallait dans ce cas que le bénéficiaire de la servitude fasse la preuve de son établissement régulier. A défaut, on pouvait contester l’application de l’article 705 du code civil.
Il y a très peu de jurisprudence en la matière : un seul cas est rapporté, du 6 février 1973… Mais dans pareille situation où aucun titre de création de servitude ne peut être invoqué, il est entendu que celle-ci disparaît. En effet, la servitude de droit réel ne peut être établie que par acte notarié. On ne sait pas en l’espèce si elle avait été établie à l’origine de cette façon, ou simplement par acte de droit personnel. Toujours est-il que l’application de l’article 705 du code civil a été retenue comme valable par la Cour de cassation, qui a supprimé la servitude.
L’épilogue.Tout porte à croire que les parties étaient satisfaites de l’arrêt rendu. Il faut reconnaître que cette distinction fondamentale entre les droits réels et les droits personnels encombrent les tribunaux. D’un autre côté, chaque fois qu’il y a mutation de propriété immobilière, il est évident que la division entre personnel et réel est capitale pour connaître les titulaires de droit, surtout en cas de vente. Mais peut-on trouver une autre solution ?