L’histoire. Cette affaire concerne un bail de dix-huit ans et met en présence plusieurs générations rurales : le bailleur, le preneur et ses deux enfants. Charles, propriétaire, avait donné en location diverses terres. Il avait consenti un bail de dix-huit ans sur certaines. Le fermier arrivant à l’âge de la retraite, Charles lui a délivré un congé, conformément à l’article L 416-1 du code rural. De son côté, la fille du preneur demandait la cession du bail à son profit.

 

Le contentieux. Le preneur, maître de son bail mais ayant atteint l’âge de la retraite, projetait ainsi la cession du contrat au profit de sa fille. Ce problème de cession aux descendants a embrumé le procès. Il s’agissait pour Charles de contester l’opération, alors que la famille du preneur était en train de perdre son emprise sur sa propriété. Il n’était pas spécialement opposé à la fille, mais l’article L 416-1 alinéa 4 du code rural lui permettait de reprendre ses terres en toute légalité. En fin de compte, sur ce point, on a tranché le problème de cession du bail du père à la fille dans la droite ligne des bonnes pratiques agricoles, et la demande du fermier a été rejetée. Le bailleur n’était pas pour autant convaincu et a trouvé un autre argument contre le preneur et sa famille : il les a accusés de laisser incultes deux hectares de terres voisines. Le fermier n’a pas contesté la réalité du fait mais a déclaré qu’il n’avait pas pris possession de ces terres, et encore moins cultivé spontanément des terres hors du bail. Il affirmait que son bailleur avait prêté à un autre cultivateur ces terrains et que c’était finalement cette personne mise en place par le propriétaire sous forme de prêt qui devait entretenir les terres. En raison des arguments ci-dessus, le moyen avancé par Charles n’a pas été retenu. L’arrêt tel qu’il a été rendu par la Cour de cassation comprend un seul point considéré comme définitif : le rejet de la demande de cession à la fille du fermier.

 

L’épilogue. La plupart du temps, le descendant exploite déjà la propriété avec son père, mais le tribunal est souverain pour accepter ou non cette cession. Une question se pose alors : le principe de céder son bail à son fils ou à sa fille doit-il être soumis à l’autorisation du tribunal paritaire ? N’est-il pas naturel que les enfants puissent prendre la suite du père, s’ils en sont capables, pour libérer le fermier et sa famille du souci de l’avenir ? Le père étant titulaire du bail, il semblerait normal qu’au moment de prendre sa retraite, celui de ses enfants qui travaille avec lui sur l’exploitation prenne la suite dans le contrat, sauf bien entendu cas particulier. Lorsqu’il s’agit de mutation ou d’autres contrats ayant trait au fermage, arrive par ailleurs le contrôle des structures. Ce n’est alors plus de la bonne culture dont il s’agit, mais de la surface : dès qu’on possède des terres agricoles, la surface ne peut pas être cédée sans autorisation émanant du préfet.