L’histoire.Nous avions déjà traité, dans une précédente chronique, les questions soulevées lorsqu’une société qui a donné à bail à long terme expire et que le bail, lui, est toujours en cours. Dans notre cas, le problème est le même, mais il a été traité avec une référence juridique différente : non pas seulement avec l’article L. 322-9 du code rural, mais par référence à l’article 1849 du code civil. Aux termes du premier, lorsqu’un ou plusieurs baux ont été consentis par un groupement foncier agricole (GFA) et sont en cours à l’expiration du temps pour lequel la société a été constituée, les contrats sont prorogés jusqu’à leur terme. Et, de fait, le GFA également. Aux termes du second, il est prévu que le gérant d’un GFA engage la société par les actes conclus par lui, s’ils sont conformes à l’objet social.

En 1981, Aquila et Priscille, propriétaires de terres viticoles, avaient créé une société civile d’exploitation agricole (SCEA) pour dix-huit ans, et avaient donné leurs parcelles à bail pour la même période. En 1984, ils avaient apporté ces terres à un GFA créé pour vingt-cinq ans. Postérieurement au décès du couple, la SCEA a été liquidée, en raison de l’arrivée à son terme, tandis que leur fille a conclu un bail de vingt-cinq ans avec son fils, Thibaud, qui l’a apporté à sa propre SCEA. C’est alors que l’autre fils, étranger à la société, a assigné son frère et sa mère en nullité du bail et de son apport à la société.

Le contentieux.C’est à ce stade qu’a commencé le nouveau problème juridique. Dans l’affaire précédente, le fermier demandait la prorogation de la société malgré son expiration. Dans le présent débat, c’est l’un des descendants du bailleur d’origine qui demandait l’annulation du bail de vingt-cinq ans consenti par le GFA sur la propriété. C’est donc un membre de la famille bailleresse qui réclamait la nullité du bail à long terme, et de la SCEA à laquelle il était mis à disposition. La cour d’appel avait fait droit à sa demande, en faisant valoir que la gérante ne pouvait consentir qu’un bail de neuf ans. « Les décisions qui tendent à modifier les dispositions du pacte social sont des décisions extraordinaires, qui relèvent du pouvoir de la seule assemblée générale extraordinaire », estimait-elle. Un pourvoi en cassation a été formulé. Selon la Cour suprême, « en statuant ainsi alors que la conclusion du bail entrait dans l’objet social de la société et pouvait excéder la durée de la société en application de l’article L. 322-9 du code rural, la cour d’appel a violé la loi ».

 

L’épilogue.L’arrêt tiré de la référence au code civil a donné tous pouvoirs au gérant pour consentir un bail dont la durée excédait neuf ans. On peut donc affirmer que le bailleur gérant d’un GFA peut consentir un bail à long terme, et spécialement de vingt-cinq ans. Par suite, l’acte étant valable, on ne pouvait en contester la valeur.