L’histoire.Cette affaire concerne l’application de l’article L. 411-24 du code rural, relatif aux modalités de remise du prix de location en cas de destruction de récolte par suite de calamités agricoles. On le rencontre rarement en jurisprudence. Il aboutit au paiement d’une somme d’argent par le bailleur au preneur, alors qu’il l’avait perçue en sa faveur.
En application de l’article visé, encore en vigueur après 2006, à la suite de catastrophes naturelles sur une propriété, le propriétaire bailleur peut toucher de l’État une indemnité réparatrice, dont le fermier doit être informé. Dans cette affaire, le locataire espérait bien récupérer l’indemnisation de l’État pour compenser l’arriéré des loyers dus. Or il ne s’agit pas d’un versement, mais d’un crédit d’impôt foncier au bénéfice du bailleur. Le litige est né après que le propriétaire a saisi le tribunal paritaire d’une demande de résiliation pour retard dans le paiement des fermages. II s’agissait de 215 euros réclamés par le bailleur. À cette occasion, le preneur ayant eu connaissance du crédit de 400 euros accordé au propriétaire à titre de secours, en a réclamé le reversement à son profit.
Le contentieux.Pour condamner le bailleur à créditer le preneur de l’indemnité perçue, la cour d’appel a décidé qu’une compensation devait se faire avec les loyers dus. Cette compensation n’étant pas possible étant donné le montant des deux sommes, la cour a exigé du propriétaire qu’il crédite le fermier d’une somme résultant de la différence entre loyers dus et indemnisation perçue, soit 185 euros. Mais, à cette date, le loyer dû venait d’être entièrement réglé. La décision de la cour d’appel a donc été annulée par la Cour de cassation. Le litige devrait être repris sur d’autres bases et c’est ce que fera cette dernière : sur la question du fermage, il est naturel que la Cour de cassation ait jugé qu’il s’agissait de la somme dont le bailleur avait été reconnu créditeur. Quant au dédommagement, il était dû au fermier qui avait subi les dommages. C’est à lui que devait être créditée l’indemnisation. Le preneur devait donc percevoir l’intégralité de la somme créditée au compte du bailleur.
L’épilogue.Il ne faut pas oublier qu’il s’agit dans cette affaire d’un dédommagement dû à l’exploitation, et non au bailleur lui-même. Si le loyer avait été minoré pour les années culturales ayant subi les dommages, le reversement ne pourrait s’envisager. Mais s’il ne l’avait pas été, c’est le preneur ayant subi le dommage qui devait en profiter. La législation étant obsolète, pourquoi ne pas organiser un texte qui règle ce problème ? Il faut néanmoins retenir un arrêt précédent, du 17 juillet 1996, selon lequel le reversement au preneur ne peut être envisagé que si l’intégralité des loyers est réglée. Cependant, il ne viendrait pas à l’idée de payer une dette due à un tiers avec le crédit accordé au propriétaire et reversé au preneur.