L’histoire. Albert était non seulement propriétaire de quarante hectares cultivés en céréales, mais également vertueux époux et père de neuf enfants. Un seul d’entre eux, André-Hubert, avait participé dès son jeune âge aux travaux de la ferme. Le père de famille est décédé brusquement. La succession fut ouverte. Il s’agissait de prendre des dispositions par rapport aux biens. À part André-Hubert, aucun autre enfant ne résidait sur l’exploitation, ni n’y participait. Après maintes discussions et bavardages, on aboutit à un résultat : une convention d’indivision fut signée par les neuf héritiers. Seul André-Hubert assurerait l’exploitation. Il répondrait de la culture de l’ensemble des biens et supporterait la taxe foncière de l’ensemble de la propriété. L’instruction du procès qui allait suivre révéla qu’en cas de bénéfice, il devait aussi en reverser une partie à ses frères et sœurs.

 

Le contentieux. Dès son expiration, la première convention d’indivision a été renouvelée. Les uns et les autres sont restés muets. C’est lors qu’André-Hubert, constatant et utilisant le vide juridique résultant de la situation, a réclamé l’attribution d’un bail rural sur le bien en indivision. Le tribunal paritaire lui a donné raison, mais l’un de ses frères qui gérait la propriété s’y est opposé, suivi par les autres enfants. La cour d’appel a constaté qu’André-Hubert était en possession du bien et en supportait l’exploitation. Mais il s’agissait encore de savoir si le fils exploitant était titulaire d’un bail rural ou demeurait gérant tacite.

Tout le procès s’est articulé autour de l’article L. 411-1 du code rural. L’élément fondamental pour caractériser le bail est la mise à disposition à titre onéreux. André-Hubert s’était précipité sur les arrêtés préfectoraux définissant le fermage. Il arrive parfois que l’on admette un loyer même sans écrit, mais les juges considèrent comme un contrat écrit le paiement par le candidat de la taxe foncière. Or André-Hubert l’avait soutenu, puisqu’il l’avait réglée toutes les années. Toutefois, il y avait un autre moyen à lui opposer : puisqu’il occupait les terres en tant que propriétaire indivis, sa possession était ambiguë. Les juges ont surtout rappelé que l’accord unanime des coïndivisaires est exigé pour la conclusion d’un bail soumis au statut du fermage (article 815-3 du code civil). En sorte que le bail n’a pas été admis et André-Hubert a été débouté de sa prétention par un arrêt de cassation.

 

L’épilogue. Il appartiendra aux indivisaires - André-Hubert compris - de prendre une décision définitive pour leur problème familial. Profitant de ce que la propriété est libre, le bail ayant été repoussé, une vente pourrait être envisagée… Ou un partage de la propriété entre tous les héritiers, avec possibilité d’attribution préférentielle. Mais dans ce cas, André-Hubert aurait-il les moyens de régler la soulte ?