La nouvelle est tombée le soir du mardi 5 avril 2022. Un lot de 12 000 canards mulards prêts à gaver devait quitter le lendemain l’élevage d’Alain Debare à Nueil-les-Aubiers dans les Deux-Sèvres, à quelques kilomètres de la Vendée. Le test réglementaire prévu avant tout mouvement d’animaux avait été réalisé le matin. « Trois heures avant l’enlèvement, j’ai reçu un appel pour me dire que les résultats étaient positifs. Tous les résultats des pools l’étaient, sur les soixante prélèvements. »

 

Pourtant, aucun signe de grippe aviaire n’était visible dans l’élevage. « J’ai trouvé les premiers cadavres seulement trois jours après les tests, le jour même où ils ont été euthanasiés, précise Alain. Pourtant, j’avais pris toutes les précautions, je n’avais fait aucune erreur : bande unique, trois semaines de vide sanitaire, nettoyage et désinfection en suivant le protocole à la lettre, matériel dédié, paille stockée sous abri… Je ne pensais vraiment pas l’avoir. Ça a été un choc de me rendre compte que ça n’arrive pas qu’aux autres. »

 

L’éleveur parle d’un grand stress, d’un cauchemar. Puis il pondère aussitôt. « J’ai 57 ans, j’arrive en fin de carrière. C’est pire quand ça tombe chez un jeune de 30 ans… »

 

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Les bâtiments d’Alain Debare sont vides depuis le 8 avril 2022. © Cédric Faimali/GFA
Les bâtiments d’Alain Debare sont vides depuis le 8 avril 2022. © Cédric Faimali/GFA

« Je n’ai pas eu d’hécatombe »

Dès le mercredi, il a appelé les éleveurs voisins pour les avertir, « par courtoisie, et parce que je n’avais rien à cacher ». Trois jours après, deux d’entre eux découvraient, en même temps qu’Alain, les premiers cadavres de canards dans leurs propres élevages. « Je n’ai pas eu d’hécatombe comme c’est arrivé chez d’autres. Le choc a été moins violent pour moi », estime l’éleveur.

 

L’opération d’abattage des 12 000 animaux était « très bien organisée », se souvient Alain. Une équipe de 25 personnes est arrivée pour mettre en place le chantier. Elle était accompagnée de deux camions équipés du matériel pour euthanasier les oiseaux et de deux autres pour emporter les cadavres dans des bennes étanches et empêcher tout risque de contamination.

C’est pire quand ça tombe chez un jeune de trente ans.

Alain Debare, éleveur de volailles, qui a dû vider ses bâtiments

Cette équipe s’est divisée en deux bataillons d’une douzaine de personnes, toutes en cotes blanches, gantées et masquées, chacun de ces bataillons s’occupant d’un des deux bâtiments de l’exploitation. « Ils ont travaillé de 9 heures à 15 ou 16 heures, avec une pause d’une demi-heure pour déjeuner. Puis tout a été nettoyé et désinfecté, les litières et les abords des bâtiments sur 15 mètres. »

 

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Soutien des voisins

Durant cette épreuve, Alain Debare s’est senti épaulé. Sa coopérative, les services vétérinaires et la MSA lui ont proposé un soutien psychologique qu’il n’a pas jugé nécessaire. « Il y a aussi deux ou trois voisins qui m’ont appelé. Pas par curiosité, mais vraiment pour m’apporter leur soutien. J’ai trouvé ça très réconfortant. »

 

Six jours après l’euthanasie, les services vétérinaires ont repris contact avec lui pour établir un diagnostic de nettoyage, une fois que la pression virale avait baissé. Ensuite, Alain Debare procédera à l’enlèvement du fumier qu’il destine à une unité de méthanisation pour son hygiénisation. Viendra encore une nouvelle désinfection, suivie d’un nouveau contrôle, puis d’un nouvel agrément de la DSV prévu à la fin de mai.

 

« Ensuite, pour remettre des canards en place, il faut d’abord que la zone soit déclarée propre, et ce ne sera pas avant la fin de juin dans le meilleur des cas. » La remise en production dépendra des groupements de producteurs et de la disponibilité en canetons. À quand l’arrivée du prochain lot ? « À la fin de juillet ou au début d’août en étant optimiste… »

 

Alain Debare devrait être indemnisé pour la totalité de ses pertes et à la hauteur de la marge brute jusqu’à la remise en place d’un lot de canards. « Économiquement, c’est supportable. »

 

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