Arvalis, Terres Inovia et l’Institut technique de la betterave (ITB) étudient cinq systèmes de grandes cultures innovants (dans le Lauragais, en Picardie, en Champagne, dans le Béarn et dans le Berry) dans le cadre de l’action « Syppre ». Ils sont comparés à leurs témoins respectifs, représentatifs des régions dans lesquels ils sont implantés. Bien qu’ils n’aient pas été construits dans cet objectif, ils sont générateurs de crédits carbone. Mais que représente leur valorisation économique ?
Deux hypothèses de prix ont été testées : 30 et 50 € le crédit carbone. Dans les deux cas, « les crédits carbone ne compensent pas les écarts de marge entre les systèmes innovants et les témoins, et ne suffisent pas à nous rendre plus rentables, indique Marie Estienne, coordinatrice technique du réseau. Si les systèmes innovants sont plus performants que les témoins d’un point de vue environnemental, leur rentabilité en est affectée (–38 % dans le Lauragais par exemple). Pour 30 € le crédit, la vente des crédits contribue à la marge directe à hauteur de 1 % seulement en Picardie et en Champagne (les deux plateformes avec le moins bon bilan), de 4-5 % dans le Lauragais et le Berry, et de plus de 10 % dans le Béarn.
Plus de 200 € le crédit serait nécessaire
« La vente des crédits carbone suffit juste à compenser le coût de certains leviers », déclare-t-elle. Par exemple dans le Lauragais, les semences certifiées des couverts reviennent en moyenne à 39 €/ha. Avec 50 € le crédit, « on génère 62,5 €/ha/an, ce qui nous permet de financer les semences, ainsi qu’une partie de leur implantation et destruction. En revanche, à 30 € le crédit, on finance à peine les semences certifiées », avec 37,7 €/ha/an.
« Nous avons également fait l’exercice de calculer quelle devrait être la valeur d’un crédit pour que les marges des systèmes innovants et des témoins n’aient plus d’écart, précise Marie Estienne. On obtient des valeurs qui sont décorrélées de ce qui se pratique, supérieures à 200 € le crédit. »
Citons parmi les pratiques positives mobilisées la diversification des cultures avec intégration de légumineuses, l’introduction d’apports de produits organiques, et la couverture des sols en interculture. Tous les systèmes innovants présentent ainsi un meilleur bilan que leurs témoins respectifs sur 2016-2020. Même s’ils n’ont pas été pensés à l’origine dans cet objectif, tous génèrent des crédits carbone, entre 0,2 et 2,4 crédits/ha/an. Les calculs ont été réalisés sur les performances réelles de ces dernières années. « Nous avons pris en compte les rendements réels des cultures et des couverts, précise l’experte. Ce n’est pas le cas pour les projets Label bas carbone, qui sont “a priori”, basés sur le potentiel de certains leviers. »
Il est à noter que deux systèmes (Berry et Champagne) montrent une dynamique de déstockage de carbone dans les sols, et celle-ci est renforcée par les systèmes innovants. Mais les pratiques mises en place la compensent, en particulier celles qui concernent la fertilisation. Dilution à l’échelle de la rotation des cultures consommatrices d’azote, ajout de légumineuses, utilisation d’outils d’aide à la décision… « Toutes les plateformes, sauf la Picardie, réduisent fortement les émissions de gaz à effet de serre grâce à leurs pratiques en lien avec cette thématique », souligne Marie Estienne.