Alors que toutes les règles législatives pour atteindre l’objectif du zéro artificialisation nette en 2050 et la division par deux du rythme de l’artificialisation des sols d’ici à 2031 fixées par la loi climat du 22 août 2021 sont désormais connues, celles-ci sont loin de convaincre tout le monde.
La loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols contient trop d’exceptions aux yeux de certains syndicats.
« Un forfait béton »
La Coordination rurale a été la dernière à le relever dans un communiqué publié le 2 août 2023. « La facilitation dont il est question se résume à une liste de dérogations et d’atténuations. On citera pêle-mêle : un droit à construire d’un hectare pour toutes les communes sans condition et mutualisable à l’échelle intercommunale, un forfait de 12 500 hectares pour permettre la construction des projets d’envergure nationale ou européenne (autoroutes, centrales nucléaires, prisons…) », estime le syndicat.
Il s’étonne au passage que « les projets industriels d’intérêt majeur pour la transition écologique ainsi que ceux qui participent directement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable » soient cités dans la liste des projets d’envergure nationale ou européenne éligibles à cette enveloppe de 12 500 hectares que la Coordination rurale appelle un « forfait béton ».
« Énième recul sur la protection des terres »
Au cours des débats parlementaires de la loi du 20 juillet 2023, la Confédération paysanne dénonçait déjà de son côté « un énième recul sur la protection des terres ». Face au principe d’une réserve d’artificialisation pour les projets d’envergure nationale ou européenne, elle avait tenu à rappeler dans un communiqué du 21 juin 2023 que « la production d’alimentation est un intérêt national majeur ». « Toute terre qui disparaît est définitivement perdue et la désartificialisation ne permettra jamais de retrouver le potentiel agronomique détruit », ajoutait le syndicat.
Un droit d’artificialiser qui fait débat
Quelques jours avant, les chambres d’agriculture avaient aussi fait part de leurs critiques avant que l’Assemblée nationale ne débute son examen de la loi votée quelques semaines plus tard. Comme la Confédération paysanne, Chambres d’agriculture France appelait à ce que « le cap visant à atteindre le zéro artificialisation nette en 2050 soit maintenu » et à une limitation des exceptions à ce principe.
La tête de réseau des chambres avait notamment proposé que l’enveloppe d’artificialisation d’un hectare ne soit réservée qu’aux « petites communes rurales porteuses de projets de territoires ». Finalement, la loi 20 juillet 2023 a ouvert cette enveloppe à toutes les communes françaises sans condition de densité.
Les communes ne sont pas non plus avares de critiques
Cette garantie de construction appelée « garantie rurale » au cours des débats parlementaires ne satisfait pas non plus les territoires urbains. L’association France urbaine qui regroupe métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et les grandes villes a déploré le maintien de ce dispositif dans la loi.
Pour elle, la mesure est fondée sur « un constat erroné selon lequel ce sont les grands territoires urbains qui ont le plus artificialisé ces dernières années, au détriment des territoires ruraux, ce que les chiffres démentent : une étude publiée en juillet 2022 par l’Observatoire national de l’artificialisation des sols du Cerema montre que les 22 métropoles françaises n’ont contribué depuis 2009 qu’à moins de 1 % de l’artificialisation totale du pays ».
L’Association des maires ruraux de France reste aussi sur sa faim. Elle accusait le texte d’écarter les sujets de « rénovation et de revitalisation des cœurs de villages et de bourgs » et plaidait pour « l’inscription dans la loi de l’inversion de l’exigence pour permettre plus à ceux qui ont artificialisé moins ». Une proposition que les parlementaires n’ont pas retenue.