« Le datura, c’est un vrai fléau ! » déplore Emmanuel Calers, agriculteur à Savigny-en-Sologne, dans le Loir-et-Cher. Depuis vingt ans, ce gérant d’exploitation subit l’invasion de cette plante jugée toxique. Vingt ans donc qu’il se bat contre elle pour assurer ses récoltes. Mais cette année, la conserverie avec laquelle il a passé un contrat refuse la totalité de sa production de haricots verts bio en raison de la présence de datura. Soit 150 tonnes de produits destinés au broyage. Emmanuel Calers ne se laisse pas abattre et décide d’en faire don à qui souhaite.

 

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150 tonnes de haricots verts bio sur les bras

C’est une première pour l’EARL Calers. Située au lieu-dit Maisonnette, elle a, comme chaque année, assuré sa récolte de haricots verts bio malgré les intempéries. « À cause de la pluviométrie, on a dû tout décaler », précise Emmanuel Calers, producteur et gérant de l’exploitation agricole. Sauf qu’au moment de la livraison en cette rentrée de 2021, malgré la main-d’œuvre engagée et le travail que cela a nécessité, l’industriel refuse sa récolte.

 

Le producteur se retrouve avec dix hectares de haricots verts extrafins bio sur les bras. En cause : la plante invasive datura. « Dans le contrat, il est stipulé : zéro datura. Donc, je ne leur jette pas la pierre. Mais il n’y a eu aucun dialogue entre nous. Ils ont trouvé sept ou huit bourgeons et ils ont tout arrêté d’un coup et refusé la récolte dans son entier. »

 

Aucune indemnisation ne lui sera versée par la conserverie. « Un champ de haricots représente 15 000 euros et je n’aurai pas de compensation. Comme c’est le datura, rien n’est remboursé. Peut-être que je serais au moins indemnisé de ma main-d’œuvre, environ 1 500 euros l’hectare », se permet-il d’espérer.

 

L’EARL Calers se situe à Savigny-en-Sologne, au lieu-dit Maisonnette, dans le Loir-et-Cher. © Google Maps
L’EARL Calers se situe à Savigny-en-Sologne, au lieu-dit Maisonnette, dans le Loir-et-Cher. © Google Maps

 

« On est en train de subir et on n’y est pour rien »

Ce que déplore Emmanuel Calers, c’est avant tout l’absence totale de discussion avec l’industriel et la violence que cela induit pour lui et son exploitation. Il se retrouve seul d’une minute à l’autre avec des tonnes de produits qu’il ne peut pas écouler. « Je m’assoie sur 80 000 à 90 000 euros, calcule-t-il. Mais au-delà du coup financier, c’est tout le travail de titan qu’il y a derrière et qui n’est pas reconnu. »

 

Car, pour se débarrasser du datura qui ont envahi sa récolte, c’est dix jours d’arrachage non-stop. « Je ne prends pas le problème du datura à la légère, bien au contraire. On fait tout ce qu’on peut pour s’en débarrasser, sauf qu’en bio, il n’y a pas mille solutions. Alors on arrache, mais sous les haricots, il y en a qu’on loupe », justifie-t-il.

 

 

Un « fléau » comme il le nomme, face auquel il aimerait que les machines actuelles puissent davantage être adaptées. « D’ici à dix ou vingt ans, toutes les cultures, en bio ou en conventionnel, pourraient être touchées. Et là, il y aura un problème de masse. Il ajoute : c’est dur, vous tremblez à l’idée que le datura attaque vos champs. Cette plante est très invasive, on a beau l’enterrer, elle prend racine sous terre et s’adapte à la couleur du produit pour être quasi invisible. On est en train de subir et on n’y est pour rien ! »

 

80 000 euros de haricots verts bio offerts à la cueillette

Résultat des comptes, Emmanuel Calers abandonne les haricots verts bio. « C’est fini, j’ai décroché avec la conserverie. Je n’ai plus envie de faire de haricots, on ne va pas avoir la boule au ventre en permanence. Car maintenant que je suis étiqueté datura, on ne va pas me lâcher. L’année dernière déjà, je voulais arrêter et j’aurais dû. »

 

Sauf que dans l’immédiat, il doit se débarrasser de sa récolte. Et l’idée de la broyer lui fait « mal au cœur ». Il décide donc, comme d’autres avant lui, de faire don des 150 tonnes de haricots verts bio. Le principe : qui veut vient sur la parcelle et cueille lui-même les haricots verts qu’il rapporte chez lui. L’opération a débuté hier, le mercredi 29 septembre 2021. Au total, « il y a eu près de 400 personnes qui sont venues, relate-t-il. Je dois afficher un panneau pour les avertir de la présence de datura. » Une histoire sans fin.

 

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