Manifestations, blocages routiers : le monde agricole polonais est furieux et le fait savoir. Déjà mécontent depuis plusieurs années de l’incapacité des autorités à enrayer la progression de la peste porcine africaine, il se sent aujourd’hui « trahi ». Le Parlement propose de durcir les conditions d’élevage, alors que la profession, très tournée vers l’exportation, souffre fortement du contexte de pandémie de Covid-19.
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Abattage sans étourdissement
Présentée le 8 septembre dernier, l’initiative parlementaire vise à améliorer le bien-être animal en interdisant l’abattage sans étourdissement, sauf pour les besoins des communautés religieuses du pays, ainsi que l’élevage d’espèces à fourrure (renards, visons, chinchillas...), à l’exception des lapins.
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Or, la Pologne est à la fois le troisième producteur mondial de fourrure et un important exportateur de viande de volaille et de bœuf certifiée casher ou halal. Selon les statistiques officielles, la production de fourrure ne représenterait plus qu’environ 600 exploitations et quelques milliers d’emplois, pour un chiffre d’affaires total de moins de 200 millions d’euros.
Les champions européens de la volaille
Mais, aux yeux des puissants groupes volaillers polonais, les champions européens du secteur, la filière de la fourrure constitue un débouché, qui absorbe près de 700 000 tonnes de déchets d’abattoir pour alimenter les animaux. « En cas de fermeture de ces élevages, nous devrons retraiter nos déchets, ce qui affectera significativement la rentabilité de notre production », met en garde la filière avicole. Elle souligne également que 40 % de ses exportations se composent de viande issue de l’abattage rituel. Dans le cas du bœuf, cette proportion est de 30 %.
Opposé sur ce sujet à son propre parti, le ministre de l’Agriculture, Jan Krzysztof Ardanowski, a été remplacé le 6 octobre 2020 par Grzegorz Puda, qui n’est autre que le député rapporteur de la proposition de loi controversée. Signe de la détermination de la coalition gouvernementale à adopter son projet, cette nomination a été vécue dans les campagnes comme une « provocation ». Le jour de sa prise de fonction, le nouveau ministre a été accueilli par des fumigènes et des bottes de foin.
Populations rurales irritées
Au-delà de son impact économique, l’initiative parlementaire irrite les populations rurales, parce qu’elle suggère que les citadins savent mieux ce qu’est le bien-être animal. La proposition de loi doit, en effet, interdire également l’attache permanente des chiens, une pratique encore courante dans les villages, et conférer aux associations protectrices des animaux certains pouvoirs d’intervention et de poursuite. Les campagnes redoutent que cela n’ouvre la porte à des ingérences excessives de la part d’activistes, perçus comme des étrangers ignorants des réalités locales.
D’après les sondages, les deux tiers des Polonais sont favorables aux mesures proposées. Cependant, leur adoption définitive est conditionnée au feu vert du Sénat et du président de la République, qui pourrait utiliser son droit de veto pour bloquer le texte.