L’histoire

À la Saint-Michel le 29 septembre 2020, Sylvain, propriétaire de diverses parcelles de vigne, les avait mises à la disposition d’Anne et de l’EARL du Canadel. Souhaitant dès le début de l’automne entreprendre la taille des vignes, Anne avait constaté que l’ancien fermier occupait toujours certaines parcelles. Aussi se prévalant de l’existence d’un bail rural à son profit et à celui de l’EARL, Anne avait mis Sylvain en demeure de lui restituer l’ensemble des terres affermées.

Le contentieux

Sylvain ne s’étant pas manifesté, Anne et l’EARL l’avaient assigné en restitution des terres données à bail devant le président du tribunal paritaire des baux ruraux, statuant en matière de référé. Par ordonnance du 4 octobre 2021, le juge des référés du tribunal paritaire avait condamné Sylvain à restituer les terres louées, sous quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai. L’astreinte est l’obligation de payer une certaine somme d’agent pour chaque jour de retard dans l’exécution d’un contrat ou d’une décision de justice. Pour Sylvain, cette décision était infondée et il avait formé un recours devant la cour d’appel.

La cour d’appel avait accueilli les conclusions d’Anne qui demandait la confirmation de l’ordonnance et la liquidation de l’astreinte. Elle a fixé cette dernière à 4 500 euros, à titre provisoire, jusqu’à la restitution des parcelles.

Mais la cour d’appel était-elle compétente pour liquider l’astreinte ? Telle était la délicate question dont Sylvain avait saisi la Cour de cassation à l’occasion de son pourvoi formé contre l’arrêt d’appel.

L’article L. 131- 3 du code des procédures civiles d’exécution précise que l’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir. Aussi, tout autre juge saisi d’une demande en liquidation d’astreinte doit relever d’office son incompétence.

Le pourvoi de Sylvain a été accueilli par la haute juridiction qui a censuré la décision d’appel. Dès lors que le président du tribunal paritaire des baux ruraux n’était pas resté saisi de l’affaire et ne s’était pas réservé le pouvoir de liquider l’astreinte, la cour d’appel était tenue de relever d’office son incompétence.

L’épilogue

Anne et l’EARL vont-ils se trouver privés de toute mesure pour obtenir la restitution des terres affermées ? Rien n’est moins sûr. Ils devront reprendre la procédure en liquidation de l’astreinte devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire, lequel pourra condamner Sylvain à une somme supérieure à celle retenue par la cour d’appel.