« Actuellement, nous ne sommes pas dans une zone de combat, mais elle est proche », témoigne Yan Ostrovskyy, un agriculteur de 35 ans. Il est installé près de la ville de Pervomaisk dans la région de Mykolayiv (Ukraine).
Si sa ville n’est pas encore endeuillée, il se trouve proche de Voznesensk, une des zones de combat actives et de bombardements. « Nous avons été bombardés plusieurs fois, mais heureusement, notre système antimissile a détruit les missiles à l’extérieur de la ville sans faire de dégâts ni de victimes », confie Yan Ostrovskyy. Contacté via Whatsapp, il lui a d’ailleurs fallu plusieurs jours pour nous répondre en raison de bombardements et de coupures de réseaux.
D’importants problèmes de logistique
S’il est d’abord inquiet pour ses proches, il l’est aussi pour sa production : « Personnellement, j’espère toujours pouvoir semer et obtenir une récolte régulière. Mais pour d’autres de mes collègues, cela semble impossible pour le moment. »
Il est installé depuis 8 ans sur une exploitation familiale comprenant 100 hectares de céréales (blé, maïs, tournesol) ainsi qu’un champ irrigué de 10 hectares, certifié biologique dans lequel il cultive légumes et baies.
Avant la guerre, Yan Ostrovskyy vendait ses céréales conventionnelles à des négociants du port maritime le plus proche. Ses légumes et ses baies étaient, quant à eux, transformés en cornichons, pâtes à tartiner, antipasti, boissons et snacks biologiques dans son unité de transformation pour être ensuite vendus aux chaînes de magasins ukrainiennes sous sa propre marque : « Stodola ».
Après sa participation à plusieurs salons européens (Anuga, Biofach) et au Gulfood à Dubaï, il avait également le projet d’exporter ses produits dans les années à venir.

Des semis retardés
Cependant, la guerre qui sévit dans son pays l’a confronté à des problèmes de logistique et d’approvisionnement. L’agriculteur souligne que le conflit a bloqué la logistique et l’empêche de démarrer ses semis.
« Certains de nos acheteurs retardent leurs paiements à cause de la guerre. Certains de nos fournisseurs se trouvent dans des zones de combat, leurs entrepôts sont détruits ou fermés car il est dangereux d’y travailler. […] Certaines routes sont détruites ou dangereuses à conduire », explique-t-il.
S’adapter à la situation pour continuer son activité
Malgré ces difficultés, l’agriculteur reste optimiste et tente de trouver des solutions. Actuellement, il essaye de trouver de nouvelles chaînes d’approvisionnement et de remplacer les matériaux lorsqu’ils sont disponibles. « Nous devons nous adapter immédiatement car il est grand temps de commencer la saison », ajoute-t-il.
Il souligne que son équipe n’est pas encore mobilisée sur le front et continue de travailler. « Mais je ne peux pas être sûr qu’il en sera de même dans une semaine. En cas de bombardements massifs ou d’actions combattantes, une partie de la main-d’œuvre sera déplacée hors de la région. », confie-t-il.
L’incertitude plane
Malgré l’annonce du gouvernement ukrainien concernant des aides de financement via des crédits à taux zéro, pour l’achat de carburant, de semences et d’engrais, Yan Ostrovskyy explique qu’il ne sait pas quel sera le marché cette année, ni même s’il sera en mesure de vendre sa production.
L’incertitude plane en effet sur les possibilités de vente et de distribution des produits. « Nous ne savons pas si j’aurai la possibilité de vendre, quels canaux de vente fonctionneront encore, quelle audience nous aurons à cause de la guerre (les gens quittent le pays), quelle situation nous aurons avec les ports maritimes (maintenant ils sont tous bloqués par les Russes) et les autres moyens d’exportation », explique-t-il. L’agriculteur ukrainien souligne qu’il ne pense pas au marketing mais simplement à la possibilité de vendre ses cultures.