Le centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture, Agreste, a publié une note qui s’intéresse aux capacités d’action des autorités régionales en matière de soutien à l’agriculture biologique, sur la période allant de 1980 à 2020. L’étude se concentre sur deux Régions françaises, l’Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) et la Bretagne, ainsi que sur deux Länder allemands, la Hesse et la Basse-Saxe. Si la Basse-Saxe et la Bretagne comptent plutôt des « systèmes agricoles intensifs orientés vers l’exportation de productions animales », la Hesse et l’Aura sont des zones « plus extensives spécialisées dans l’élevage bovin en prairie ».

Des autorités régionales renforcées

Entre 1980 et 2010, la note fait état du renforcement du rôle des Régions et des Länder dans la régulation du secteur agricole. Si certains Länder proposent leurs premiers soutiens à l’agriculture biologique dans les années quatre-vingt, il faut attendre une dizaine d’années pour que des régions françaises fassent de même. Une différence qui s’explique par l’implantation de la production agricole biologique plus précoce en Allemagne. En 1987, l’Allemagne de l’Ouest compte 1 900 producteurs bio contre 1 500 en France. Jusqu’en 2010, les budgets régionaux affectés à la bio s’accroissent et touchent un public varié.

En 2003, le transfert du fonds européen Feader aux instances régionales allemandes renforce leur capacité d’action. En France, les Régions en bénéficient à partir de 2014. À cette date, les quatre territoires étudiés disposent des mêmes dispositifs de soutien à la bio : subvention pour la conversion et le maintien, aide à l’investissement matériel pour les producteurs et soutien à la certification.

Des visions de la bio en concurrence

« Cette tendance à la régionalisation […] a créé des différences […] et relativise l’idée d’une politique agricole appliquée uniformément sur le territoire national », souligne Léa Sénégas, autrice de l’étude et chercheuse à Sciences Po Paris.

En 2011 et 2013, l’étude fait état de conflits entre structures de développement de la bio. Des frictions qui vont créer une concurrence entre acteurs pour l’accès aux financements. Deux pôles s’affrontent :

  • Un « pôle conventionnaliste » constitué par les chambres d’agriculture et le syndicalisme majoritaire qui considère l’agriculture biologique comme un moyen de mettre en œuvre des pratiques respectueuses de l’environnement ;
  • Un « pôle alternatif » qui est voué à ce que l’agriculture biologique remplace le modèle conventionnel.

Des politiques plus ou moins ambitieuses

Cette polarisation va se répercuter au sein des assemblées régionales. Outre le rôle des représentants agricoles au sein des instances régionales, l’appartenance politique de l’exécutif impacte également l’orientation des aides affectées à l’agriculture biologique.

Concrètement, les alternances électorales de 2004 à 2018 se sont traduites par des évolutions dans le soutien à la bio : augmentation de budget, évolution des relations avec les représentants professionnels… Un exemple en Aura : la présidence acquise par le parti Les Républicains a conduit à l’abandon des campagnes publicitaires, le remplacement des produits bio par des produits locaux dans la restauration collective, l’arrêt du financement de l’interprofession bio et du cofinancement sur l’aide au maintien de l’agriculture biologique.