Les associés de sociétés devront-ils se plier prochainement à un nouveau contrôle ? Deux propositions de loi ont été déposées en ce sens en février. Si celle du député socialiste Dominique Potier a très peu de chances d’être débattue dans l’hémicycle, celle de l’élu de la majorité Jean-Bernard Sempastous a reçu les suffrages de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021. Lutter contre « la concentration excessive des exploitations et l’accaparement des terres agricoles » pour installer et consolider les fermes existantes est l’ambition du texte de l’élu des Hautes-Pyrénées.

Le Sénat devrait commencer à l’examiner en septembre ou octobre. Il prévoit de réguler les transferts de parts sociales des sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles. Un marché qui échappe en quasi-totalité aux filets de l’Administration et des Safer, malgré une première tentative législative de Dominique Potier en 2017. L’élu et agriculteur de Meurthe-et-Moselle avait vu sa loi réduite de manière substantielle par le Conseil constitutionnel. Un obstacle que prévoit de dépasser cette fois-ci Jean-Bernard Sempastous en suivant l’avis du Conseil d’État.

Vendre ou louer en compensation

Avec ce nouveau dispositif, une personne physique ou morale qui prendrait le contrôle d’une société - plus de 40 % de son capital social - et qui détiendrait des surfaces agricoles dépassant un « seuil d’agrandissement significatif » devra obtenir l’autorisation préalable du préfet. Ce dernier devra rendre sa décision après avoir recueilli l’avis du comité technique de la Safer en charge d’instruire les dossiers.

Le député et le groupe Safer estiment que 20 % des cessions de parts dépassent aujourd’hui les seuils de déclenchement du contrôle. Originalité du dispositif, le préfet pourra autoriser la cession de parts en contrepartie de certaines compensations. Le transfert de titres pourra en effet être autorisé, sous condition que le cessionnaire s’engage à vendre ou à louer à long terme des parcelles à un agriculteur qui s’installe ou qui en a besoin pour atteindre le seuil de viabilité économique fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA).

Le rôle de la Safer interroge

Interrogé par La France agricole, Dominique Potier juge le dispositif comme « un filet aux mailles très très larges ». Le « seuil d’agrandissement significatif » déclenchant le contrôle devrait être fixé entre une à trois fois la surface agricole­ utile (SAU) régionale moyenne fixée dans le SDREA. Il reviendra au préfet de placer le curseur « avec les organisations professionnelles, comme c’est déjà le cas pour le SDREA », expliquait­ Jean-Bernard Sempastous lors des débats à l’Assemblée le 25 mai 2021.

L’autre principale critique apportée au texte concerne la nouvelle mission qui serait confiée aux comités techniques des Safer. Plusieurs organisations (l’Anavor, une association d’avocats en droit rural, le Conseil national de l’expertise foncière agricole, la Fédération nationale de la propriété privée rurale et la Fédération nationale de l’immobilier notamment) ont pointé un risque de conflit d’intérêts dans l’action d’une Safer qui deviendrait juge et partie. Une opposition qui tranche avec celle des syndicats agricoles.Si la Confédération paysanne s’oppose à la proposition de loi, la FNSEA, Jeunes Agriculteurs et la Coordination rurale soutiennent le texte.

Alexis Marcotte