Le 9 octobre 2024, devant les grilles de l’abattoir de Blancafort, au nord du Cher, une soixantaine d’éleveurs, salariés et élus locaux attendent des réponses. Depuis cet été, ils n’ont plus de nouvelle de la direction de l’usine, détenue par le groupe LDC, numéro un français de la volaille française. Ils ont de quoi être inquiets : tous les signaux de la société Les Volailles de Blancafort sont au rouge.
La production a chuté de 35 000 à 20 000 dindes par semaine ces derniers mois pour une usine qui a la capacité d’en traiter plus de 60 000. 40 intérimaires et le poste de directeur de site n’ont pas été renouvelés. Des machines ont été vendues. Et le site du Cher du volailler sarthois accuse un déficit de près de 800 000 euros par mois en 2024, selon la CFDT. Face à cette situation, les dirigeants proposent « trois schémas » : soit l’achat de l’usine par un concurrent, « mais on ne voit personne », note Stéphane Pierrot, délégué syndical CFDT du site. Soit un redémarrage de l’activité en adéquation avec la consommation de dinde, mais celle-ci est en chute depuis plusieurs années. Soit la fermeture de l’abattoir.
120 emplois et une cinquantaine d’élevages
Lors de la manifestation, des pancartes affichent des plaques funéraires, rendant hommage à cette usine employant 120 personnes depuis 1972. Dans les esprits, c’est l’incompréhension. Dominique Désiré, éleveur de volailles à Ids-Saint-Roch (2 000 m² de bâtiment avicole), est venu faire entendre son mécontentement. « Je vais avoir un nouveau lot de dindes au début de novembre. Ils en ont besoin ! Ce n’est pas normal que l’abattoir ferme. C’est de la mauvaise gestion. Maintenant, mes dindes vont faire 150 km de plus pour être abattues à Volabray, dans le nord du Loir-et-Cher. Et le bien-être animal alors ? »
Délocalisation de la production vers les pays de l’Est
Aux côtés des nombreux élus en écharpe tricolore et des salariés, Alexandre Cerveau, secrétaire général de la FDSEA 18 et éleveur à Blancafort, pointe les investissements en Pologne du groupe LDC. « Il est hors de question de cautionner la délocalisation de la production vers les pays de l’Est, et la fermeture de notre site, sachant que LDC fait des millions d’euros de profit (1). Nous ne lâcherons rien ! »
Entre 2015 et 2020, la profession a participé à un plan régional de soutien à l’aviculture. Dans la Région Centre-Val de Loire, plus de 150 000 m² de bâtiments ont été construits ou rénovés. « Et maintenant, on leur dit quoi aux jeunes qui se sont installés il y a quatre ans ? », s’interroge l’éleveur, qui propose, avec la FRSEA et les JA, que l’usine soit transformée pour abattre des poulets.
Derrière l’éventuelle fermeture du site, c’est tout le bassin d’emplois et les filières agricoles qui tremblent : la fabrique d’alimentation animale Sanders basée à Clémont, les céréaliers, les transporteurs… « Il faut que LDC ait le courage d’annoncer sa décision », lance Stéphane Pierrot, membre du comité social et économique. Contacté en marge de la mobilisation, LDC nous répond qu’« une réunion sera bien programmée au cours de ces prochaines semaines ».
(1) Le volailler sarthois annonce un chiffre d’affaires consolidé en croissance en 2024, à plus 1,5 milliard d’euros.