Ça n’est pas commun. À l’occasion d’un débat, organisé le 16 septembre 2020, sur la manière de reconnecter consommateurs et éleveurs, le Syrpa, réseau des agricommunicants, a mis en présence deux éleveurs et une écologiste repentie. « J’ai grandi dans une famille de profs écolos, a commencé Gabrielle Dufour. Nous avions des avis très tranchés sur l’agriculture, qu’on estimait à l’origine à peu près de tous les problèmes de la planète, ainsi que sur les agriculteurs considérés au mieux comme des victimes d’un système Monsanto-grande distribution. »

Choc et malaise

C’est à la suite de l’ouverture, il y a quatre ans, d’une Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) en ville et de la rencontre avec des exploitants qu’elle a progressivement fait évoluer ses opinions. Désormais revendiquée écologiste modérée, Gabrielle Dufour défend une position faite de « compromis, entre la réalité des agricultures et les attentes des consommateurs ».

 

Lors du Space (virtuel), retransmis sur la Space TV par Web-agri, cette ancienne kiné a échangé avec les éleveurs Étienne Fourmont et Dominique Gautier, ainsi que le communicant Hervé Le Prince de New Sens, notamment sur la question du référendum d’initiative partagée sur les animaux.

 

« À une certaine époque, je l’aurais signé tout de suite [le référendum d’initiative partagée]. C’est terrible, a-t-elle commenté. Mais dans le même temps, qui peut être en faveur de la souffrance animale et cautionner les images qui nous sont montrées à longueur de temps de certains élevages ? Évidemment, aujourd’hui que je comprends mieux l’agriculture, le référendum me choque et me met mal à l’aise. Tout est mis au même niveau : les animaux du cirque, le problème de la fourrure, les expérimentations, l’élevage… Qu’est-ce que ça veut dire ? »

« La taille du troupeau ne fait pas le bien-être de l’animal »

« Un des premiers élevages que j’ai visités, poursuit-elle, comptait 300 vaches. Et j’ai rarement vu un élevage aussi sain, avec une vision très écologique. Depuis, je sais que la taille des exploitations n’est pas un critère. Autrement dit, la taille du troupeau ne fait pas le bien-être de l’animal. Idem sur l’accès au plein air. On ne peut pas sans arrêt parler d’élevage intensif. Les agriculteurs doivent continuer à communiquer sur toutes les mesures écologiques qu’ils prennent et expliquer leur choix. »

 

Poursuivant sur le référendum, Hervé Le Prince a parlé de son côté d’« opération de manipulation, avec des bases consensuelles au départ ». Selon le consultant en communication, la démarche s’apparente à « la technique du garrot. L’idée, c’est d’ajouter tous les jours une contrainte supplémentaire sur l’élevage jusqu’à le faire disparaître. »

Le « plein air » se traduit-il dans l’acte d’achat ?

« Ça n’est pas un mouvement de société qui aurait grandi, a rappelé l’éleveur laitier sarthois, Étienne Fourmont. Le référendum ne vient pas de la population. Derrière, il y a des communicants, des millions d’euros. Évidemment, c’est bien fait, on a tous envie de le signer, parce qu’on est tous contre la souffrance animale. Mais c’est fait pour séparer, pas pour faire avancer sur le bien-être animal. »

 

Pour Dominique Gautier, éleveuse de porcs à Trévérec, dans les Côtes-d’Armor, « le bien-être animal va évoluer, mais ça ne pourra pas se faire du jour au lendemain, a-t-elle précisé. Nos investissements se font sur 20 ou 30 ans. L’évolution sera forcément lente. » Est-ce un problème ? Gabrielle Dufour, qui travaille désormais pour la start-up Datafarm, a souligné que cet impératif d’accès au plein air, défendu par les promoteurs du référendum d’initiative partagée, ne se traduisait pas dans l’acte d’achat. « Il est aujourd’hui infiniment petit le nombre de personnes qui mangent du porc de plein air. »

 

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